Lancement du 1er Forum chrétien romand

Lancement du 1er Forum chrétien romand

Du 11 au 13 octobre se tiendra, à Leysin (VD), la première édition du Forum chrétien romand, calqué sur le Forum chrétien mondial. Une rencontre qui vise à élargir la notion d’œcuménisme au-delà des seules Églises historiques. Explications.

Dans l’élan du Forum chrétien mondial et du premier Forum chrétien francophone qui s’est tenu à Lyon en 2018, un petit groupe de chrétiens issus de plusieurs confessions et mouvements chrétiens lance le premier Forum chrétien romand. La manifestation aura lieu à Leysin, du 11 au 13 octobre. Hubert van Beek, ancien secrétaire exécutif du Conseil œcuménique des Églises (COE), qui a participé étroitement à l’initiation du Forum mondial, a suivi de près les préparatifs. Interview.

Quelle est l’utilité d’avoir un tel Forum sur le territoire romand?

Très souvent, ici comme ailleurs, les différentes communautés religieuses coexistent les unes à côté des autres, mais sans qu’il existe d’interactions. L’idée d’un forum romand, c’est l’espoir que celui-ci nous permettra de dégager des chemins communs.

L’œcuménisme n’a longtemps mis en relation que les traditions chrétiennes historiques (catholiques, réformés, orthodoxes). Comment comprendre cette ouverture aux milieux évangéliques et pentecôtistes?

En effet, il aura fallu attendre la fin des années 1990 et la création du Forum chrétien mondial – dont s’inspire ce forum romand – pour qu’un rapprochement ait lieu. Cela n’a pas été facile. Des deux côtés, il y a eu des incompréhensions et des attitudes de rejet – ou en tout cas de distanciation. Au sein du COE et de ses églises membres, on éprouvait beaucoup de méfiance à l’endroit de ces assemblées évangéliques et pentecôtistes. Et de l’autre côté, ces autres composantes de la famille chrétienne se sont souvent méfiées de l’œcuménisme, accusant notamment le COE d’être trop orienté vers le social et de négliger le témoignage et l’annonce de la Parole. Il a donc fallu beaucoup de travail pour créer les conditions de confiance mutuelle pour initier un début de rapprochement.

Qu’est-ce qui a alors convaincu de la pertinence de la démarche?

La grande majorité des Églises évangéliques et pentecôtistes se sont formées au cours du XXe siècle, soit parallèlement à la naissance du mouvement œcuménique. En Asie, en Afrique, en Amérique latine, ces assemblées se sont développées de manière assez spectaculaire. Si en Europe on parle souvent du recul de nos Églises, ailleurs le christianisme est souvent aussi vivant que flamboyant et attire constamment de nouveaux adeptes. Or c’est souvent dans ces Églises évangéliques et pentecôtistes que cela se passe. On ne pouvait donc plus les ignorer. Aujourd’hui, l’Alliance évangélique mondiale représente au moins autant de chrétiens que ceux représentés par le COE.

Les phénomènes de sécularisation et de multiculturalisme auraient-ils également persuadé de la nécessité de porter une parole chrétienne commune?

À mon avis, c’est surtout la problématique de l’évangélisation qui a joué un rôle important au sein des Églises historiques. Celles-ci, à l’instar de nos Églises réformées, étaient en effet de plus en plus confrontées à une certaine incapacité à présenter le message de l’Évangile d’une manière qui attire et trouve un écho dans la population. Or, quand on regardait du côté des Églises évangéliques et pentecôtistes, on avait l’impression que, elles, elles avaient trouvé le moyen d’annoncer le message et d’atteindre les gens.

Ce rapprochement profiterait-il donc d’abord aux Églises historiques?

Je crois que nous sommes tous gagnants. Si ce rapprochement peut inspirer les Églises historiques dans leur évangélisation, il profite également aux Églises évangéliques et pentecôtistes dans la mesure où cela leur donne une plus grande ouverture: j’ai moi-même vécu beaucoup de rencontres avec des évangéliques et des pentecôtistes qui étaient frappés par le fait que, dans les réunions, ils rencontraient des catholiques, des réformés, des orthodoxes, dans lesquels ils découvraient de vrais chrétiens. Avec cependant leur langage, leur manière de dire les choses. Cette reconnaissance mutuelle trouve aujourd’hui aussi sa traduction de manière structurelle.

C’est-à-dire?

À présent, le COE et l’Alliance évangélique mondiale se retrouvent au moins une fois par an pour discuter programmes, travail, orientations, différences, ce qui, il y a vingt ans, était pratiquement impensable! Je me souviens encore de rencontres au COE, dans les années 1980, avec un dirigeant évangélique qui avait le courage de venir à Genève et de passer la porte du COE, mais dont la visite n’était pas rendue publique. La démarche n’aurait tout simplement pas été comprise par sa base.

Et aujourd’hui, est-ce encore possible d’avoir un témoignage commun alors qu’existent de grandes différences dogmatiques, à l’instar des divergences sur la question du mariage pour tous?

Que de grandes divergences existent, c’est absolument vrai. D’ailleurs, c’est souvent sur ces questions d’éthique et de morale sexuelle que se créent de nouveaux clivages et de nouvelles divisions. Mais c’est aussi dans ces domaines-là que certaines confessions peuvent se rencontrer, comme c’est le cas sur ces questions entre l’Église catholique et les évangéliques, ou encore entre évangéliques et orthodoxes. Tout d’un coup, on découvre qu’on partage les mêmes valeurs et qu’on se retrouve sur des questions qui divisent nos sociétés, et aussi parfois nos églises (le mariage pour tous, la vaccination, etc.).

Comment alors jouer l’unité lors de ces rencontres au-delà des désaccords?

Si on choisit une approche où on veut se concentrer sur ce qui nous divise, c’est possible, mais il sera difficile d’avancer. Mais on peut aussi choisir de nous concentrer sur ce que nous avons en commun et sur ce qui est possible de faire ensemble. Au sein du Forum, l’accent a toujours été mis sur l’unité et le témoignage commun. Le but n’est d’ailleurs pas de se mettre d’accord sur une prise de position commune, mais d’ouvrir des chemins où on peut avancer ensemble.

Est-ce précisément la raison pour laquelle le programme de ce premier Forum romand met autant en avant le thème du témoignage et le partage d’expériences?

Les faith stories (itinéraires de foi) sont une particularité du Forum chrétien mondial depuis le tout début. On a emprunté cette méthode aux pentecôtistes. Ainsi chaque rencontre commence par une séance en groupes où chacun des participants raconte brièvement son itinéraire de foi. Cela permet de créer une atmosphère engageante, où les gens découvrent que quelque chose d’essentiel les relie quelle que soit leur affiliation: leur appel au nom du Christ. C’est devenu un principe fondamental du Forum.

Y a-t-il d’autres principes auquel le Forum tient?

Il y a un deuxième principe que l’on a toujours appliqué, mais qui s’avère un peu difficile à tenir dans le cas du Forum romand: un équilibre 50/50 entre les participants des Églises historiques et ceux provenant d’Églises évangéliques et pentecôtistes. Or cette fois-ci, on n’atteindra pas 50% de participation du côté des évangéliques (pour l’instant, les réservations sont en-deça du 30%, ndlr). C’est un peu une déception, car on ne s’y attendait pas. Personnellement, je n’avais encore jamais rencontré ce genre de difficultés dans les multiples réunions du Forum chrétien mondial que j’ai vécues, et je ne m’en explique toujours pas les raisons. Mais cette première édition pourra créer un appel d'air.