Quand une thèse d’aumônier devient réalité

Quand une thèse d’aumônier devient réalité

Derrière l’espace de ressourcement interreligieux et humaniste inauguré le 18 septembre aux Hôpitaux universitaires de Genève- une première en Suisse - se cache la thèse du pasteur et théologien genevois Jérémy Dunon. Rencontre.

Le 18 septembre, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) inauguraient avec fierté leur «espace de ressourcement interreligieux et humaniste», destiné tant  aux patients, à leurs proches qu’aux collaborateurs de l’établissement. «Ce nouveau lieu, divisé en quatre sous-espaces, chrétien, israélite, musulman et humaniste, offre désormais un endroit de recueillement et de silence, à toute personne, qu’elle soit croyante ou non-croyante», exprimait alors son service de presse. Et d’ajouter: «Il s’agit du premier lieu de ce type ouvert dans un hôpital en Suisse.»

Ce que le communiqué ne dit pas, c’est que cet espace a été imaginé par le pasteur responsable de l’aumônerie protestante, Jérémy Dunon, qui en a d’ailleurs fait le sujet de sa thèse. Retour sur la petite histoire derrière l’événement.

Entre Lausanne et le Québec

Le point de départ de cette réalisation? «Une discussion avec le directeur général des HUG, qui a mis en lumière un désir commun de faire évoluer la proposition spatiale du recueillement, afin de mieux prendre en compte à la fois le besoin des patients se reconnaissant dans les grandes traditions religieuses, et à la fois ceux ne se retrouvant pas dans le discours et les espaces marqués religieusement en général», relate Jérémy Dunon.

L’aumônier entame alors en 2015 une thèse doctorale en cotutelle en théologie pratique à l’Université de Laval au Québec et en sociologie religieuse à l’Université de Lausanne sur la question «des espaces sacrés en institutions laïques». Dans ce cadre, il mène parallèlement une enquête sur les attentes auprès des potentiels usagers d’un tel espace ainsi qu’une analyse des différentes propositions du même ordre au sein de nombreux établissements européens et nord-américains.

Un réel souci pour l’autre

«Ce qui m’a le plus surpris lors de ces entretiens? Le fait que tous souhaitaient un tel espace, si ce n’est pour eux, pour autrui», exprime le pasteur. «J’ai donc entendu la sollicitude de soignants, de patients, de proches visitant, pour ceux et celles dont les besoins n’étaient pas pris en compte, entendus, accompagnés, réalisés», écrit-il dans son rapport préliminaire. Et de citer quelques expressions entendues alors: «Je rêve d’un lieu accueillant et inspirant», «un refuge dans cet océan de souffrance», «Pourquoi pas? Certains en ont vraiment besoin.»

Va pour le pourquoi. Et le comment? Dans son analyse de ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas sur les différents sites visité, Jérémy Dunon relève prioritairement qu’il est important que «les espaces soient accessibles et bien identifiés». A éviter donc, «les espaces neutres ou saturés de symboles religieux».  «Un espace mal identifié, soit sans référent ni charte, devient rapidement un espace squatté par des groupes en quête de détente, de réunion religieuse exclusive ou encore de réunion administrative», commente le chef de projet.

Recueillement ou ressourcement?

En cours de route, «l’espace de recueillement» sur lequel travaillait l’aumônier a subitement été rebaptisé, s’intitulant désormais «espace de ressourcement». Qu’est-ce qui a motivé ce changement d’appellation? «Une intuition du directeur général des HUG, confirmée par une de mes recherches relatives à l’identité des patients des HUG», répond Jérémy Dunon. Quatre grands groupes en ressortait: les catholiques romains (25%), les protestants (10%), les musulmans (10%) et 45% pour les sans confessions ou refusant de répondre. «Considérant l’importance du dernier groupe, en constante croissance, il fallait donc en déduire que la désignation de l’espace devait être inclusive et non exclusive: le ressourcement inclut le recueillement, alors que le terme de recueillement peut être un obstacle pour certains, car très connoté religieusement», relève l’aumônier. «De plus, le premier ouvre sur une promesse enthousiasmante, alors que le second peut renvoyer à la tristesse.»

«On se ressource chacun à sa manière», souligne Bertrand Levrat, le directeur général des HUG. «Certains prient, d’autres méditent… C’est le côté lumineux de la loi sur la laïcité que de pouvoir respecter les besoins spirituels ou humanistes de chacun et chacune.»