La Caroline du Nord supprime le financement des thérapies de conversion

La Caroline du Nord supprime le financement des thérapies de conversion

Aux États-Unis, la Caroline du Nord est le premier état du Sud qui interdit le financement public des thérapies de conversion pour les mineurs. Ces pratiques ne sont toutefois pas considérées comme illégales.

La Caroline du Nord est devenue le premier État du Sud des États-Unis à interdire le financement public de la thérapie de conversion pour les mineurs. Cette pratique est utilisée par certains groupes religieux pour «guérir» les homosexuels et les transgenres. Dans son décret du vendredi 2 août, le gouverneur Roy Cooper a ordonné au ministère de la Santé et des Services sociaux de s’assurer que les organisations qui proposaient de telles thérapies n’étaient pas financées par le gouvernement.

Dix-huit États ainsi que le District de Columbia ont des lois qui interdisent la thérapie de conversion sur mineurs par des prestataires de soins. Or, les États du Sud n’ont pas obtenu les votes nécessaires pour adopter une loi interdisant cette pratique, même si les sondages montrent un soutien croissant pour cette législation. «Dans de nombreuses régions du Sud, même lorsque nous voyons un très fort soutien public pour une question et que les législateurs sont prêts à présenter un projet de loi, la majorité républicaine dans les assemblées législatives des États fait obstacle à ce genre de projet», a expliqué la révérende Jasmine Beach Ferrara, directrice générale de la Campaign for Southern Equality, qui vise à adopter une politique pro-LGBTQ dans le Sud.

La Caroline du Nord a un projet de loi en instance à son assemblée législative qui interdit la thérapie de conversion, mais son adoption a été bloquée par une majorité républicaine. Le gouverneur démocrate, Roy Cooper, a donc choisi d’utiliser une ordonnance. La Caroline du Nord rejoint ainsi l’Utah qui est le seul autre État à avoir mis un frein à ces pratiques par décret. En juin dernier, après que l’Assemblée législative de l’Utah n’a pas réussi à s’entendre sur un projet de loi, le gouverneur Gary R. Herbert a publié une lettre ordonnant à la commission des psychologues d’État de «réglementer de façon éthique les interventions psychologiques pour les enfants mineurs concernant leur orientation sexuelle ou leur identité sexuelle».

Des thérapies dans le privé

Les décrets ne peuvent pas arrêter la pratique privée de la thérapie de conversion. Certains groupes religieux continuent d’exercer ce qu’on appelle parfois la «thérapie ex-gay» pour traiter les jeunes qui ont des attirances envers des personnes de même sexe. Un groupe appelé «New Beginning Support» (de l’aide pour un nouveau départ), dans la région d’Asheville-Hendersonville en Caroline du Nord, explique sur son site internet qu’il n’a pas de conseillers professionnels agréés, mais plutôt des coachs et des mentors chrétiens «qui comprennent les complexités de la sexualité et de l’identité sexuelle». «C’est aussi notre but de vous aider à vous accepter et à vous aimer, comme Il vous a créés, comme le Père céleste vous aime, d’une manière qui apporte une vie abondante et la liberté», peut-on lire sur le site web.

Tami Fitzgerald, directeur de la «North Carolina Values Coalition», une organisation conservatrice, a affirmé que le décret était «l’une des attaques les plus flagrantes du gouverneur contre les droits du Premier Amendement à la liberté d’expression et de religion».

Le mouvement en faveur de l’interdiction de la thérapie de conversion a commencé en 2012, lorsque la Californie a adopté la première loi interdisant ces thérapies pour les personnes de moins de 18 ans. En 2013 et 2014, le New Jersey et Washington D.C. ont adopté des lois similaires. De 2015 à 2017, sept autres États ont suivi. L’Association des psychologues américains, l’Association américaine de médecine et une foule d’autres groupes de soins et de santé ont publié des déclarations contre cette pratique. Tous affirment les conséquences catastrophiques qu’à la thérapie de conversion, dont l’anxiété, la dépression et le suicide.

Selon l’Institut Williams de la faculté de droit de l’Université de Californie à Los Angeles, environ 698’000 adultes LGBT aux États-Unis ont reçu une thérapie de conversion à un moment de leur vie. L’institut mène des recherches indépendantes sur les lois et les politiques publiques relatives à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre. Malgré l’absence d’interdiction de la thérapie de conversion à l’échelle de l’État, plusieurs villes et municipalités du Sud, en particulier en Floride, ont décidé d’interdire cette pratique, dont Boca Raton, Gainesville, Miami, Palm Beach et Tampa.

Dans un sondage mené en février par Public Policy Polling auprès des habitants de la Caroline du Nord, 80% des personnes interrogées ont déclaré qu’elles souhaitaient que la «thérapie de conversion» soit illégale pour les enfants de moins de 18 ans.

Interdire les «thérapies de conversion» en Suisse

En juin dernier, Rosmarie Quadranti du parti bourgeois-démocratique suisse et le socialiste Barrile Angelo ont déposé à Berne une motion visant à «interdire les “thérapies” ayant pour but de modifier l’orientation sexuelle des enfants et des adolescents» et de «veiller à ce que de telles thérapies ne puissent pas être prises en charge par les caisses-maladie, y compris pour les adultes». Selon Rosmarie Quadranti, ces thérapies gagnent du terrain en Suisse, notamment dans les milieux évangéliques. Elle déplore une triste réalité qui reste souvent cachée. «Il faut garantir la protection des mineurs, à l’image de l’Autriche, qui a accepté l’interdiction de telles thérapies en été 2019 et de l’Allemagne, où des préparatifs sont en cours», insiste la politicienne dans sa motion.