Impôts ecclésiastiques pour les entreprises: pour ou contre?

Impôts ecclésiastiques pour les entreprises: pour ou contre?

La question des impôts ecclésiastiques pour les personnes morales fait débat. Si certains entrepreneurs dénoncent le fait de devoir «payer sans participer aux décisions», les autres se réjouissent de pouvoir ainsi «contribuer au bien-être de la collectivité». Zoom sur les arguments de chaque camp.

La question des impôts ecclésiastiques pour les entreprises n’en finit pas de faire débat, et ce même si les interventions politiques visant à les supprimer ont jusqu’à présent toujours échoué. Qu'en pensent d’ailleurs les entrepreneurs? Ernst Winker, ancien propriétaire et directeur de Gefag, spécialisé dans le transport de marchandises dangereuses, ainsi que Matthias Pestalozzi, directeur du groupe éponyme actif notamment dans la construction métallique et la ferblanterie, exposent leur position sur la question.

Ernst Winkler rejette l'impôt ecclésiastique

Le Zurichois Ernst Winkler estime que l'impôt ecclésiastique transforme les entreprises en vaches à lait: «Nous ne pouvons pas participer aux décisions de l'Église, nous ne pouvons ni voter ni élire, nous devons simplement payer.» L'ancien directeur et propriétaire de Gefag s'insurge contre l'engagement politique des Églises, surtout lorsque celui-ci est dirigé contre les intérêts des entreprises.

Il cite en exemple l'initiative sur la responsabilité des entreprises ou la campagne contre la réforme de l'imposition des entreprises. À ses yeux, celles-ci n'avaient rien à voir avec des thèmes ecclésiastiques, mais étaient uniquement dirigées contre les entreprises. Selon lui, les entrepreneurs ont les mains liées, précisément parce qu'ils ne peuvent pas se libérer de l'impôt ecclésiastique, contrairement aux personnes physiques. Bien qu'il se considère comme un «protestant convaincu», Ernst Winkler a quitté l'Église réformée. Il préfère soutenir les partis politiques qui défendent les intérêts des entreprises et ne s'opposent pas à ces dernières.

Certes, Ernst Winkler reconnaît que les Églises assument des tâches qui sont importantes pour l'ensemble de la société. Toutefois, dit-il, l'État n'a jamais donné de mandat pour cela. Selon lui, de nombreuses tâches pourraient être assumées par d'autres institutions. On pourrait ainsi lancer un appel d'offres public pour l'aumônerie des hôpitaux et des prisons ou les cours de langue pour les personnes en exil, puis les répartir avec d'autres organisations selon des critères définis. Les organismes mandatés, éventuellement aussi les Églises, seraient alors indemnisées pour leur engagement, mais uniquement pour cela.

Ernst Winkler se refuse par ailleurs à accorder du crédit à une étude de l'Université de Zurich qui prouverait que les Églises effectuent ces missions de manière bien moins onéreuses que que les prestataires privés. L’entrepreneur souhaiterait un État laïc, où les Églises et l'État seraient clairement séparés et où la tâche de l'État consisterait uniquement à garantir le libre exercice de la foi de ses citoyens dans le cadre de la loi.

Une question de principe

En Suisse, il existe de facto un lien entre les Églises traditionnelles et l'État. Dans de nombreux cantons, certaines Églises et communautés religieuses sont reconnues de droit public. Pour cela, elles doivent remplir certains critères, par exemple être une organisation démocratique. En contrepartie, elles obtiennent des droits et peuvent par exemple percevoir des impôts.

La suspension d'impôt ecclésiastique perçu auprès des entreprises pourrait entraîner une énorme baisse des recettes pour les Églises, Ernst Winkler en est également conscient. Mais si les Églises n'assumaient plus toutes les tâches qu'elles effectuent actuellement, cela leur coûterait moins cher, formule-t-il. Elles seraient indemnisées pour les missions qui lui resteraient et que l'État lui aurait confiées. «En outre, les Églises devraient subvenir elles-mêmes à leurs finances. D'autres communautés religieuses survivent même sans les impôts des personnes morales, ou dans les cantons sans impôt ecclésiastique, les Églises fournissent aussi des prestations.» Comme compromis possible, Ernst Winkler évoque une taxe volontaire.

Ce n'est d'ailleurs pas l'argent qui intéresse l’entrepreneur Zurichois dans son plaidoyer contre l'impôt ecclésiastique. Car pour lui aussi, la taxe consiste en un montant extrêmement faible par rapport à ses autres charges. Pour lui, il s'agit plutôt d'une question de principe: «Chaque franc que je jette inutilement par la fenêtre est un franc de trop. Et soutenir en plus un adversaire politique avec, cela n'a vraiment aucun sens.»

Matthias Pestalozzi est favorable à l'impôt ecclésiastique

Matthias Pestalozzi n’ira pas jusqu’à affirmer qu’il est heureux de payer l'impôt ecclésiastique pour son entreprise. «Dire cela serait exagéré. En principe, nous sommes heureux de chaque impôt que nous ne sommes pas obligés de payer. Nous préférons évidemment investir l'argent dans notre entreprise», déclare l'entrepreneur de Dietikon dans le canton de Zurich. Il est la neuvième génération à diriger le groupe Pestalozzi. Celui-ci propose entre autres des produits pour la technique du bâtiment et la construction métallique, et la PME compte également une entreprise de transport.

Matthias Pestalozzi estime néanmoins qu'il est juste que son entreprise paie des impôts ecclésiastiques. Il est convaincu que «les Églises jouent un rôle important dans la société». Selon lui, elles sont pertinentes en tant que lieux où les gens se réunissent pour célébrer des baptêmes ou des funérailles. D'autre part, il estime que l'engagement social et culturel des Églises réformées est précieux, notamment dans le domaine de la jeunesse. «En outre, les Églises contribuent à la stabilité de notre société. Et nous, les entrepreneurs, en profitons aussi.»

En revanche, le directeur du groupe Pestalozzi met en garde contre un engagement politique trop fort des Églises. «La frontière est mince», formule-t-il. Sur le principe, il comprend que les Églises prennent position sur des questions politiques. Mais elles doivent aussi voir qui cela peut fâcher. «Les personnes physiques peuvent quitter l'Église si celle-ci défend des positions complètement différentes des leurs, les entreprises n'ont pas cette possibilité.»

Dans certains cantons, les personnes morales, donc les entreprises, sont tenues de payer l'impôt ecclésiastique. À Zurich, Schwyz, Zoug ou dans le canton de Vaud ou les Grisons par exemple, les entreprises doivent payer des impôts ecclésiastiques, indépendamment du fait que les entrepreneurs eux-mêmes appartiennent ou non à une communauté religieuse. Cet impôt est généralement affecté et ne peut donc pas être utilisé par les Églises à des fins cultuelles.

Matthias Pestalozzi trouve certes ce système particulier. «Mais c'est ainsi que cela s'est développé historiquement.» De plus, il estime qu'il est inévitable que les entreprises contribuent un peu au bien-être de la collectivité. Si l'argent de cet impôt n'allait pas aux Églises, il irait à l'État. Mais cela créerait de nouveaux problèmes, l'entrepreneur en est sûr: les Églises devraient chercher de nouveaux modèles de financement.

Plus de visibilité

À ses yeux, les impôts ecclésiastiques volontaires n'ont pas beaucoup de sens. «Cela ne fonctionnerait pas. Personne ne les paierait plus.» En outre, certaines entreprises ne pourraient sans doute pas payer d'impôts volontairement. En effet, une entreprise cotée en bourse est en premier lieu tenue de faire des bénéfices afin que l'actionnaire puisse en profiter.

En raison de l'obligation fiscale, les Églises devraient être particulièrement prudentes avec leurs finances, estime cependant Matthias Pestalozzi. Il souhaite davantage de transparence à cet égard. «Au sein de l'État, il y a des débats publics sur le budget. Je sais comment mon argent est dépensé.» Dans les Églises réformées, cela se passe aussi lors des synodes, mais l'entrepreneur critique le manque de traitement médiatique. «Une communication plus active de la part des Églises sur la destination de l'argent aiderait et conduirait à une plus grande compréhension.»

Tout bien considéré, le paiement de l'impôt ecclésiastique ne figure pas en tête de l'agenda de l'entreprise de Matthias Pestalozzi. Même dans les discussions avec d'autres entrepreneurs, il n'en est jamais question. Une des raisons pourrait être que l'impôt n'est pas si élevé et que les dépenses ne sont pas si importantes en proportion, suppose-t-il. Lui-même ne saurait chiffrer exactement le montant de l'impôt ecclésiastique qu'il paie chaque année, car son entreprise est assujettie à l'impôt dans plusieurs cantons et la situation des revenus est très différente. Il estime cependant que l'impôt ecclésiastique représente environ 10% de toutes les taxes fiscales. «Cet impôt ecclésiastique ne joue pas un grand rôle dans le quotidien de notre entreprise.»