CredoFunding: «Un laboratoire d’espérance»

CredoFunding: «Un laboratoire d’espérance»

La plateforme de financement participatif CredoFunding propose, depuis 2014, de financer des projets à visée chrétienne, par des dons ou par des prêts. Son fondateur Eric Didio raconte la «Success story» d’un site au service du bien commun et stimule son rôle de «minorité créative en Église».

Une bande dessinée sur la vie de saint Philippe Neri, le pèlerinage de détenus à Compostelle, le CD d’une chorale de Versailles ou encore une statue de la Vierge qui garde les prêtres. Ces projets à financer, parmi des dizaines d’autres, se retrouvent sous la bannière de CredoFunding, la plateforme française de crowdfunding (financement par la foule) de la communauté chrétienne.

«Cela permet de financer des associations chrétiennes et crée un lien entre les particuliers et la sphère chrétienne», indique Eric Didio, fondateur et directeur du site participatif. Diplômé d’une école de commerce, le quadragénaire installé à Lyon travaille dans l’audit financier puis dans le domaine du prêt bancaire immobilier. Jusqu’à son licenciement en 2013.

Il cherche alors un emploi dans son domaine. «Mais je voulais trouver une activité qui ait du sens», confie-t-il. Alors qu’arrive des Etats-Unis la vogue du crowdfunding il voit dans ce mode de financement une belle opportunité pour aider les entreprises, les PME surtout. D’autant plus que la législation sur le financement, jusque-là exclusivement réservé aux banques, évolue en 2014. Au cours de ses investigations, Eric Didio tombe par hasard sur un site de financement participatif dédié à la communauté musulmane. C’est le déclic.

 

Une vocation

«J’ai trouvé que c’était une très belle idée. Ça marchait avec une communauté d’utilisateurs en lien avec une communauté religieuse.» Il tape alors tous les mots clé possibles pour trouver un site identique pour les catholiques, les protestants, les orthodoxes, sans succès. «Je trouvais dommage que l’Église n’ait rien». Il tient son idée.

Une vocation pour celui qui est issu d’une famille catholique pratiquante dont la sœur est bénédictine et dont le père s’est occupé d’une «Œuvre des campagnes», une association d’aide aux prêtres ruraux.

La France compte 40 millions de chrétiens. Les dons, toutes causes confondues, se montent à 2 milliards d’euros par an. Or les Français cumulent un patrimoine financier de 4500 milliards d’euros. Le projet a donc du potentiel. «En juin 2014, j’en ai parlé à ma femme et je lui ai dit qu’on devait être les premiers, sinon d’autres le feraient à notre place.» CredoFunding, jeu de sonorité et de mots entre le patronyme anglais et le «je crois» latin, s’ouvre le 13 novembre 2014.

Créer du lien

La plateforme repose sur deux idées: d’une part créer du lien entre des particuliers et leur communauté, chrétienne en l’occurrence. «C’est la base du crowdfunding, on se trouve sur un marché de niche.» D’autre part le site fédère ces particuliers autour d’un projet à financer par un don ou un prêt.

 

«Nous ne faisons pas de distinction entre les traditionnels, les catholiques, les charismatiques ou les protestants»
Eric Didio, créateur et directeur de la plateforme CredoFunding

Eric Didio étudie attentivement chaque dossier. Les projets doivent être compatibles avec les fondements de la foi chrétienne pour obtenir le label CredoFunding. «Nous n’accepterions jamais un projet sur la manipulation de cellules souches ou sur des jeux en ligne, par exemple.» Il entend «chrétien» au sens large car «nous ne faisons pas de distinction entre les traditionnels, les catholiques, les charismatiques ou les protestants.»

Sérieux et réalisme

Le banquier reprend vite le dessus: «Le projet doit être sérieux, ancré dans la réalité.» La faisabilité du projet, son positionnement et l’évaluation de sa réussite sont passés à la loupe. «A ces conditions, et avec un message sincère, les porteurs de projet ont toutes les chances de trouver leur public.» Les gens, argumente-t-il, doivent comprendre pour donner ou prêter de l’argent. Peu importe l’ampleur du projet. La sincérité, la générosité et le bénévolat n’excluent pas le réalisme.

«Les petits ostensoirs»

Il est important que l’initiative dépasse la personne qui le met en place. Les gens doivent se projeter dans le futur, estime l’entrepreneur. «Je dis toujours au porteur de projet: "Embarquez les gens dans votre aventure". Il faut de l’enthousiasme.»

Il relate le succès de l’association «Les petits ostensoirs», lancée par une mère de famille, sur l’idée de favoriser la confession et l’adoration auprès des enfants. Elle a récolté les 2000 euros qu’elle demandait pour créer son site internet et imprimer des flyers.

«Nous comblons aussi un vide avec la plateforme», assure l’entrepreneur. Il lui est arrivé de mettre en ligne des projets refusés ailleurs. «Les banques, les entreprises et les fondations sont très frileuses lorsqu’il s’agit de financer des projets à but cultuel ou connotés religieusement. C’est souvent un motif de refus». C’est ainsi que l'abbaye de Sénanque, dont le financement de consolidation de l’église a été refusé par une trentaine de fondations d’entreprise, se trouve sur le site participatif.

«C’est très réjouissant parce que ces projets ne sont que des bonnes nouvelles»

La proximité physique ou géographique des internautes joue un rôle non négligeable. Mais l’identification des donateurs potentiels à une cause est aussi importante. En 2017, peu de temps après avoir reçu son nouvel évêque, le diocèse de Digne, le plus pauvre de France, s’est retrouvé avec huit séminaristes dont il fallait financer une partie des études. «Ils ont reçu les 70’000 euros qu’ils avaient demandés. Cette campagne a touché la communauté, catholique dans ce cas, de tout le pays. Et aucun des donateurs n’habitaient dans le diocèse.»

A travers la plateforme, les associations trouvent, en plus d’un financement, une notoriété, ajoute Eric Didio. Il cite «Divine Box», un site de vente en ligne de produits monastiques, qui a sollicité les internautes et a finalement plus gagné en se faisant connaître. Credofunding est aujourd’hui un carrefour incontournable de la sphère chrétienne en France.

L’humain au centre

Attablé dans une brasserie genevoise, Eric Didio, affable, la voix douce, raconte sa belle aventure qui lui a permis de conjuguer vocations professionnelle et chrétienne. «C’est très engageant. C’est aussi très réjouissant parce que ces projets ne sont que des bonnes nouvelles. Ils mettent en valeur l’engagement de leur initiateur au service des plus fragiles.» Il n’hésite pas à citer un prêtre qui lui a dit un jour: «Vous êtes un laboratoire d’espérance.»

La crise que traverse l’Église n’a d’ailleurs pas impacté le montant des dons. «Je ne le vois pas dans les chiffres. Cela représente peut-être de l’argent que nous ne recevrons pas. Mais les courbes n’ont pas baissé. Suite à l’affaire Barbarin, nous avons reçu quelques lettres de gens avertissant qu’ils ne donneraient plus.»

«Nous challengeons l’Église»

Son activité replace l’humain au centre dans une vision à long terme, estime-t-il. En opposition à une activité économique qu’il juge «court-termiste». «L’humain a besoin de temps. Nous devons accepter que certains projets prennent du temps pour aboutir. D’ailleurs cette plateforme est adaptée au milieu associatif et de l’Église.»

Ces projets revêtent un caractère parfois missionnaire. Une initiative qui naît à Lyon peut essaimer à Marseille, à Paris ou à Nantes. «Les Petits ostensoirs» comptent aujourd’hui sept groupes dans le pays. Eric Didio y voit une forme d’évangélisation.

«D’une certaine manière, nous challengeons l’Église sur son fonctionnement économique“, assure Eric Didio. Il fait référence aux «minorités créatives» évoquées par Benoît XVI. Il faut innover pour réveiller l’Église. «Je dis aux prêtres: "faites-nous confiance". A chacun son cœur de métier.» Bernard Hallet, Cath.ch/Protestinfo

Les prêts dépassent les dons

Lancée en 2014, la plateforme a récolté plus de 5,6 millions de francs, sous forme de dons ou de prêts (avec ou sans intérêt), et compte à ce jour 25’000 utilisateurs. En 2018, 40% des 2,2 millions de francs qui ont transité par la plateforme étaient des dons.

Le montant des prêts va aller croissant dans les années qui viennent estime l’entrepreneur chrétien. En 2017, ils représentaient 122’000 francs, 1,2 millions en 2018 et le chiffre devrait doubler en 2019. «Le prêt s’est développé à long terme mais la tendance s’accélère.» 

«Nous prélevons 8% sur les dons et 4% sur les prêts», indique Eric Didio. Cela permet de rémunérer les 6 collaborateurs de l’entreprise à leur juste niveau. Les deux tiers des donateurs ont moins de 55 ans, hommes et femmes à parité.