Le Covid-19 chamboule les débats d’Église

Le Covid-19 chamboule les débats d’Église

Avec les nouvelles normes sanitaires, les sessions de printemps et d’été des Synodes et Consistoire des Églises réformées romandes se retrouvent repoussées et les décisions mises en suspens. Tour de Romandie.

Entre mai et juin, il est un rendez-vous immanquable pour les différentes Églises réformées de Suisse romande, celui des synodes et consistoire, avec leur lot de débats et de décisions nécessaires au bon fonctionnement des institutions ecclésiales. Mais, cette année, les traditionnelles sessions de printemps et d’été des organes délibérants doivent faire avec un paramètre de taille : le respect de la nouvelle distance sociale visant à lutter contre la propagation du coronavirus. Pour ces assemblées qui réunissent pas loin de cent personnes, il n’est d’autre choix que d’innover. Reporter, annuler ou organiser une session virtuelle, à chaque Église son scénario, sous réserve des annonces en provenance de la Coupole.

Alors que les différentes assemblées devront valider les comptes 2019 et trancher sur une série de rapports, globalement, un report des débats ne devrait pas avoir raison de la vie des Églises réformées romandes pour les prochaines semaines. Pourtant, au-delà des complexités organisationnelles qu’exigent les nouvelles normes sanitaires, c’est bien l’importance du débat qui se dessine comme une valeur essentielle à la santé des institutions réformées.

Maintenir le débat

Le Synode (organe délibérant) de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) maintiendra donc sa session de printemps, mais sur un jour seulement. Le bureau du Synode est prêt à mettre sur pied une session virtuelle, voire partiellement en présence le 13 juin. Seul bémol, «il n’y aura pas de contact direct ni d’échange possible entre les délégués lors des pauses, alors qu’ils sont importants», explique Sylvie Arnaud, présidente du Synode de l’EERV, qui précise que le maintien de la session avant l’été a un impact psychologique. C’est «confortable, notamment pour l’exécutif qui, après une année seulement de prise de fonction, peut trouver dans l’organe délibérant un appui». Avec un programme allégé, le rapport sur les dotations ne fera donc l’objet que d’une information de la part du Conseil synodal (exécutif). 

Dans la cité de Calvin aussi, «pour l’instant, le consistoire de juin est maintenu, mais exceptionnellement à la cathédrale, lieu qui permettrait de maintenir les distances de sécurité entre participants. Nous attendons fin mai et les détails de la troisième phase de déconfinement prévue le 8 juin pour examiner sous quelles modalités il pourra se tenir. On peut déjà imaginer que les regroupements seront autorisés, mais certaines conditions. Or, l’assemblée réunit plus de soixante personnes», explique Joëlle Walther, présidente de l’Assemblée du Consistoire (organe délibérant) de l’Église protestante de Genève (EPG). Et d’ajouter que: «Nous avions décidé de repousser le consistoire de mars pour que les personnes les plus vulnérables n’aient pas à choisir entre leur fonction de consistoriaux et leur santé. Aujourd’hui, si les personnes à risque doivent rester chez elles, nous pourrions, en présence, ne pas atteindre le quorum.»

Alors que le consistoire de mars avait été repoussé au mois d’avril avant d’être annulé, le budget 2020, qui devrait essuyer une baisse de rentrées financières liées au semi-confinement, n’a toujours pas pu être voté. Restent aussi le rapport de la commission d’étude sur la nouvelle stratégie de direction et de nouvelles étapes dans le dossier de la régionalisation, qui devraient trouver une place dans la session de juin. Autre problème de taille, l’EPG termine sa législature en juin et le Consistoire doit être renouvelé. «Les élections n’auront pas pu avoir lieu dans tous nos lieux d’Église, aussi nous avons demandé aux élus concernés de bien vouloir prolonger exceptionnellement leur mandat», précise Joëlle Walther.

De report en report

Les sessions maintenues restent pourtant des exceptions. Nombreux sont les synodes reportés au mois d’août, dans l’espoir de la levée des restrictions, ou repoussés à la session prévue à l’automne. «Le synode du 26 mai est déplacé à la session du 19 septembre. Ça n’est pas un problème, car il n’y a pas de sujet brûlant pour l’organe délibérant», affirme Pierre-Alain Sydler, président du Synode de l’Église évangélique réformée de Fribourg.

Pas de problème non plus du côté du synode de l’Église réformée évangélique du Valais (EREV), dont les délégués se retrouveront à la session d’automne, plutôt qu’en mai. À une exception près : les comptes 2019 de l’EREV devaient être approuvés au synode de mai pour être transmis au Conseil d’État avant le 30 juin. Après consultation du Conseil d’État, et «afin de respecter nos obligations vis-à-vis de l’État du Valais, nous devrons transmettre les comptes accompagnés du rapport de vérification au Conseil d’État d’ici au 30 juin, quand bien même ils n’auront pas encore été soumis au Synode pour approbation. Suite au synode d’automne, nous pourrons dès lors informer l’État du Valais de l’approbation des comptes 2019», détaille Pierre-François Fauquex, président du Synode de l’EREV.

Quant à la session de mai du Synode des Églises réformées Berne-Jura-Soleure, elle aura lieu au mois d’août. L’élection à la présidence du Conseil synodal pourra alors y avoir lieu, le mandat du président démissionnaire, Andreas Zeller, courant jusqu’en décembre.

C’est aussi au mois d’août que siégeront les délégués du Synode de l’Église réformée évangélique de Neuchâtel (EREN). Et si le rapport EREN2023, une réflexion fondamentale sur la façon de mener les missions et la structure de l’Église pour les dix à vingt ans à venir devra encore attendre, «il devait déjà être mis en consultation auprès des délégués début mai, mais la situation actuelle nous oblige déjà à la repousser», précise Esther Berger, présidente du Synode de l’EREN, qui se réjouit de voir que de nombreux projets porteurs ont émergé pendant le confinement : «Ministres et paroisses ont fait preuve d’une créativité qui s’inscrit dans le processus d’EREN2023.»

Des festivités repoussées

Le tout premier synode de l’Église évangélique réformée de Suisse (EERS) aurait dû avoir lieu les 15 et 16 juin à Sion. Une occasion aussi pour les délégués de fêter le centenaire de la Fédération des Églises protestantes suisses (FEPS) qui a laissé place à l’EERS le 1er janvier. C’est finalement le 15 juin que les délégués siégeront derrière leur écran.

«Quelles que soient les mesures sanitaires en vigueur le 15 juin, avec un synode virtuel, nous sommes au moins sûrs de pouvoir le vivre», explique Pierre de Salis, président du Synode de l’EERS. Le dispositif permettra au Synode de «siéger valablement, en respectant les procédures démocratiques, les initiatives, interpellations de dernières minutes seront possibles et les votes seront électroniques et sécurisés». Quant au langage non verbal, aux débats informels lors des pauses et des repas et des échanges dans les couloirs, il faudra faire l’impasse, «même si ce sont des éléments essentiels», ajoute le président du Synode. S’il est particulier de siéger ainsi, pour le président du Synode, il est important de maintenir cette première session de débat de l’EERS, «car elle prend son envol et le synode reste le seul lieu où l’Église fait corps et se donne à connaître en tant qu’Église suisse».

Même défi pour les Églises alémaniques

Comme ses consœurs romandes, les Églises réformées alémaniques doivent composer avec les nouvelles restrictions fédérales pour organiser les synodes.

par Antonia Moser, ref.ch, le portail des réformés/Protestinfo

En raison du coronavirus, les rassemblements de plus de cinq personnes sont toujours interdits en Suisse. Dans les Églises, cela s'applique non seulement aux cultes, mais aussi aux synodes. Les Églises nationales réagissent différemment, comme le montrent certains exemples choisis.

Annulations à Lucerne et à Zurich

L'Église réformée du canton de Lucerne a pris des mesures. Le synode prévu en mai n'a pas lieu, pas plus qu'un synode extraordinaire n'est prévu. «Cela est possible parce qu'il n'y a pas d'affaires urgentes en suspens à Lucerne», explique le directeur du bureau de l’Église réformée de Lucerne, Urs Achermann. Le successeur de la défunte présidente du Conseil synodal, Ursula Stämmer-Horst, ne sera installé que lors du synode d'automne. Le règlement pourrait alors également être approuvé.

L'Église réformée du canton de Zurich a également annulé son synode de juin. Toutefois, la prochaine session prévue aura déjà lieu au début du mois de juillet. «Les affaires urgentes telles que l'acceptation des comptes 2019 et du rapport annuel pourront alors être traitées», explique Nicolas Mori, responsable de la communication de l'Église réformée de Zurich. Et d’ajouter que: «Si ce synode ne peut pas non plus avoir lieu, il faudra examiner de nouvelles solutions. En cas d'urgence, on pourrait envisager de reporter les affaires jusqu'en septembre.»

Élections au conseil de l'Église par courrier à Uri

D'importantes décisions sont en suspens au sein de l'Église évangélique réformée du canton d'Uri. Pour cette raison, la session de printemps a été annulée, mais les élections du Conseil synodal et de la commission d'audit se dérouleront par écrit. Les comptes seront également approuvés de cette manière. Selon Susanne Oertle, du secrétariat de l'Église d'Uri, la procédure est similaire à celle des élections municipales ou cantonales. Les personnes ayant le droit de vote ont reçu une brochure d'information et doivent signer une feuille séparée pour que leur vote soit valable. Les bulletins de vote seraient alors comptés sous contrôle notarial.

L'Église d'Argovie, pour sa part, a reporté son synode de début juin à fin septembre. «Cela a des conséquences concrètes sur l'introduction de la base de données cantonales sur les membres», déclare le responsable de la communication Frank Worbs. Initialement prévue pour juillet, la base de données devrait maintenant arriver en octobre.

Le report n'apporte «aucune difficulté»

Dans le canton des Grisons, le synode y aura lieu fin juin, mais sous une forme abrégée. Seules les élections et les admissions des pasteurs seront effectuées et les sujets urgents seront traités, informe la conseillère synodale de l'Église et doyenne Cornelia Camichel Bromeis. Les autres sujets seront discutés lors d'un synode extraordinaire en janvier 2021.

Mise en œuvre avec le concept de protection

Le Grand Conseil réformé des Grisons (comparable aux synodes d'autres cantons, ndlr) doit également avoir lieu le 4 juin comme prévu, selon l’actuaire Peter Wydler. Certaines décisions importantes sont en suspens, par exemple la loi sur la formation des régions ecclésiastiques doit être adoptée. En outre, les membres du Conseil synodal doivent être élus. Pour cette raison, la direction a déposé une demande de dérogation auprès du Canton. Avec un concept de protection, la session devrait ensuite se dérouler dans la Stadthalle Chur, où les règles de distance pourraient être respectées.