Quelque chose qui dépasse l’humain

Quelque chose qui dépasse l’humain

Protestinfo propose régulièrement des éditos rédigés par des membres des rédactions de Médias-pro.

Les cyberattaques qui ont fait plusieurs fois l’actualité ces dernières semaines suscitent la réflexion de Joël Burri, rédacteur responsable de Protestinfo.

Photo: CC(by-nc-nd) Kevin Vertucio

Une cyberattaque de grande ampleur paralyse de nombreuses entreprises et organisations tout autour de la planète. Un ransomware, ou rançongiciel pour les puristes de la langue de Molière, utilise une faille —pourtant déjà corrigée — du système d’exploitation Windows pour se propager, bloquer des ordinateurs et promettre le rétablissement de la machine en échange de quelques centaines de dollars à verser au travers d’un système de payement intraçable.

Pour la majorité des lecteurs, ces quelques lignes donnent aux plus persévérants l’envie d’ouvrir un dictionnaire, même si dans ce cas, un moteur de recherche serait plus efficace, et à la majorité l’envie de passer à l’article suivant. C’est la deuxième fois en quelques semaines que les médias publient une information de ce type. Pourtant ce quelque chose doit bien être important, puisqu’il peut stopper des chaînes de production ou pousser des médecins à remettre à plus tard certains actes médicaux.

Une langue d’initiés

Cet évènement m’inspire deux réflexions. La première c’est que les Eglises vivent un peu quelque chose de similaire avec le grand public. Non seulement leur vocabulaire précis, par peur d’être réducteur, n’est compris que par une minorité, mais en plus, le cœur même de leurs activités est quelque chose qui dépasse une marge grandissante de la population. Demander des intentions pour la prière d’intercession ou même annoncer une soirée de louange sont des expressions aussi obscures pour beaucoup que de dire que des cybercriminels ont utilisé un exploit du navigateur internet.

Ma seconde pensée est une forme de fascination pour cet humain qui est parvenu à concevoir une machine qui le dépasse complètement. La simple observation d’un vélo permet de comprend peu ou prou comment ça marche. Lorsque l’on passe à la voiture, on a une vague idée de comment ça marche, pour le reste on garde la foi que son garagiste sait assez précisément comment ça marche.

Personne ne sait comment ça marche

Mais pour un ordinateur… mystère! Un matériel de plus en plus puissant exécute un programme. Et ceux qui ont écrit ce programme s’appuient largement sur des éléments mis à disposition par ceux qui les ont programmés avant eux. Les programmes ont pris de l’embonpoint si bien qu’ils dépassent aujourd’hui facilement les dizaines de millions de lignes de codes. C’est dire la complexité du fonctionnement des systèmes qui nous entourent.

Pour envoyer un message sur un smartphone ou taper un courrier sur un ordinateur, des centaines de tâches sont exécutées. Elles ont été pensées par le groupe de programmeurs qui a créé le logiciel que vous utilisez. Mais pour mener à bien ces tâches, les programmeurs font appel à des milliers d’opérations déjà programmées et mises à disposition de la communauté des programmeurs. Ces opérations font elles-mêmes appel à des milliers d’autres opérations programmées par d’autres.

Mais cela a une conséquence, c’est que personne n’a en tête l’ensemble des ordres exécutés par l’ordinateur. Une erreur logique —ou de la malveillance — qui laisse place à une utilisation frauduleuse peut apparaître dans n’importe laquelle des briques de cette construction. Heureusement, ces failles sont aussi difficiles à détecter pour ceux qui veulent les colmater que pour ceux qui veulent les exploiter!

Bref, les outils que nous utilisons toutes et tous aujourd’hui ont atteint un tel niveau de complexité qu’ils nous dépassent. Et non seulement nous, simples utilisateurs, mais également leurs concepteurs. Alors je ne peux m’empêcher d’y voir une certaine ironie: alors que la science donne parfois l’impression que la maîtrise de l’humain sur le monde qui l’entoure ne cesse de progresser, il est devenu incapable de maîtriser les outils qu’il a lui-même fabriqués.