Huit thèses pour penser les mutations de l’écrit

Huit thèses pour penser les mutations de l’écrit

«La lecture reste une compétence sociale économique et culturelle essentielle.» Mais sa pratique subit une mutation en profondeur. La Fédération des Eglises protestantes de Suisse publie une réflexion sur les enjeux actuels de la lecture.

«La lecture reste une compétence sociale économique et culturelle essentielle.» Mais sa pratique subit une mutation en profondeur. La Fédération des Eglises protestantes de Suisse publie une réflexion sur les enjeux actuels de la lecture.

Les nouveaux médias vont-ils tuer la religion du livre qu’est le christianisme? Si la mutation médiatique actuelle lance un défi au christianisme, il y a des chances à saisir, répond plutôt l’Institut de théologie et d’éthique de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), dans sa première publication «Sola lectura?».

En une trentaine de pages, le fascicule invite à penser les relations entre foi et écrit. Et les auteurs mettent en cause certains clichés. Une «religion du livre», le christianisme? Rappelant que cette appellation trouve son origine dans le Coran, cette étude propose plutôt de voir le christianisme comme une religion de la lecture. «Pour la chrétienté, le livre était toujours un moyen de communication et non un moyen de salut. Il est un témoignage du Christ et non une forme sous laquelle apparaît le Christ. C’est seulement une fois l’emploi du codex généralisé que s’est manifestée, dans l’aire culturelle chrétienne, une sacralisation progressive de l’Ecriture sainte et des livres liturgiques.»

Néanmoins, les liens entre christianisme et écrit restent étroits: quand il n’y a plus eu de témoins ni directs ni indirects de la vie du Christ, le texte a rempli le rôle de «substituts d’apôtres, au moyen desquels les communautés se représentent l’autorité des paroles et des personnes du passé.» Plus tard, la traduction de la Bible a joué un rôle dans la fixation des langues modernes et les missionnaires ont transmis l’écriture en même temps que le christianisme, tant cette compétence est devenue nécessaire à une vie de foi.

«L’emploi de nouveaux moyens de communication a des effets sur le message. Il n’est jamais un simple changement superficiel de système technique», prévient toutefois «Sola lectura?». «Une question nouvelle se pose aujourd’hui: celle de la signification pour l’expression concrète de la foi chrétienne de la dissociation entre l’écrit et le livre, avec son prolongement dans l’omniprésence de l’écrit dans les médias électroniques de toutes sortes.»

Si, comme le rappelle cette étude, la lecture a le pouvoir de décentrer le lecteur, de le faire agir, de s’exprimer et si elle joue un rôle dans la justice et dans l’engagement démocratique, on comprend que les enjeux éthiques ne manquent pas dans les questions liées aux changements de statut de l’écrit.

«Sola lectura?» invite à la réflexion autour de huit thèses sur la lecture. Ce fascicule de l’Institut éthique et théologique peut être commandé gratuitement ou téléchargé auprès de la FEPS. Bien qu’il soit la première publication de l’ITE, ce texte est le fruit d’une «longue tradition», rappelle l’avant-propos de la publication. L’institution a été fondée en 1970 sous le nom d’Institut d’éthique sociale. Elle a changé de nom en 2013, quand le Conseil de la FEPS a pris la décision de rechercher pour cette entité davantage de collaboration avec la FEPS et les universités.