Dernière demeure entre peur et fascination

Dernière demeure entre peur et fascination

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html" target="_blank">Série d’été sur les cimetières: «dernière demeure – derniers tabous» (1/5)

L’aménagement des cimetières se différencie énormément d’une région européenne à l’autre. Mais ces nécropoles austères commencent à se modifier pour devenir des havres de paix, arborisés et propices au recueillement. L’histoire de ces sites et leur évolution reste encore un mystère.

Photo: Le cimetière de Montoie, à Lausanne

«On a remplacé le tabou du sexe, par celui de la mort», déclare Alain Besse, membre du comité de la Société d'études thanatologiques de Suisse romande. «La mort faisait partie de la vie», poursuit-il. Mais aujourd’hui, elle a presque disparu de nos horizons visuels. «Depuis le XIXe siècle, on a sorti les cimetières pour les mettre en dehors de nos villes», explique le Valaisan. D’autres ont été réaffectés en parc, où les gens peuvent pique-niquer. «Ça a été le cas avec le parc des Roses à Territet (dans le canton de Vaud), où la seule tombe qui reste est celle d’Henri Nestlé», commente-t-il. Mais comment expliquer qu’en Angleterre les vieilles pierres tombales, recouvertes de mousses, fleurissent de manière désordonnée autour des églises alors que dans d’autres endroits elles sont posées en rang d’oignons?

Des pratiques différentes

«La différence de pratique entre les cimetières européens est d’abord une question culturelle et cultuelle», déclare Alain Besse. On peut constater aussi ces différences en Suisse, globalement selon les confessions historiques dominantes. «Même dans un canton, comme le Valais, les dissemblances à l’intérieur des cimetières sont flagrantes entre le Haut et le Bas», confie le thanatologue. «Dans la partie germanophone, on retrouve de simples croix en bois ou en métal au lieu d’une pierre tombale», poursuit Alain Besse.

Du côté de l’aménagement des nécropoles helvétiques, Raphaël Saive, directeur associé au bureau Gilbert Henchoz architectes-paysagistes SA, explique que «le cimetière doit s’intégrer dans leur environnement. Il est un composant du paysage communal, qui tend à évoluer avec son temps». Les architectes-paysagistes doivent également tenir compte de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT). En effet, comme affirme Raphaël Saive, «selon où se trouve le cimetière, il est difficile voire impossible de l’agrandir selon la classification des parcelles voisines». «En résumé, c’est une question de lois, de coutumes et des pratiques», confirme Alain Besse.

L’aménagement des cimetières

Pour Raphaël Saive, si une évolution des pratiques des cimetières est visible de nos jours, c’est le choix des communes. «Nous les accompagnons pour qu’elles proposent une diversité d’inhumation aux résidents par l’aménagement de columbariums, de cavurnes, d’ossuaires, des jardins du souvenir, de tombeau familial, ainsi que des inhumations traditionnelles en pleine terre», explique-t-il.

L’aménagement du cimetière demande une certaine attention et observation. «On réfléchit aujourd’hui aux fleurissements par une diversité végétale, aux coûts des entretiens, à la mise en pratique de la célébration lors du sens de la procession, le recueillement et les condoléances», explique Raphaël Saive. L’architecte-paysagiste joue sur les structures du cimetière par la composition minérale et végétale, les œuvres d’art que sur la symbolique pour que chaque cimetière soit différent. «On peut proposer des fontaines en miroir d’eau, qui sont comme des reflets entre la communion du ciel et la terre», explique Raphaël Saive. Le but est justement de créer un lieu de recueillement. «Le cimetière austère et minéral est en train de changer, par une composition plus paysagère propice aux recueillements et à la gestion des coûts d’entretien», confie l’architecte-paysagiste.

Penser à sa dernière demeure

A Lyon, pour conserver les monuments et le riche patrimoine bâti funéraires, la Ville propose une solution étonnante. «Elle vend des chapelles-tombeaux pour 1 euro symbolique. En échange, l’acheteur consent à l’entretenir ou à le retaper», explique Alain Besse.

Tant l’architecte-paysagiste que le thanatologue s’aperçoivent que nos contemporains sont de plus en plus prévoyants. «Souvent, les gens se projettent déjà dans les différents emplacements et font savoir leurs volontés», constate Raphaël Saive. Ce que confirme Alain Besse: «maintenant certains prévoient la cérémonie, le cercueil ou l’endroit où ils seront enterrés».

Une exposition temporaire

Le musée d’histoire de Sion propose une exposition intitulée «La Mort apprivoisée:7'000 ans de rites funéraires à Sion», qui se tient du 16 avril 2016 au 8 janvier 2017, au Centre d’expositions des Musées cantonaux, rue des Châteaux 24, à Sion. L’accrochage permet de suivre l’évolution des croyances et des rites funéraires sur près de 7000 ans. Lexique

Crémation: technique funéraire visant à brûler et réduire le corps en cendres (également appelé incinération, mais ce terme est plus utilisé pour le traitement des déchets).

Sépulture ou tombe: lieu où sont déposés les restes du corps mort (humain ou animal).

Tombeau: monument funéraire élevé sur la tombe d’un mort.

Ossuaire: récipient (coffre, urne), une construction ou un site (puis, catacombes) destiné à accueillir les ossements humains.

Jardin du souvenir: espace dédié à la dispersion des cendres.

Cavurne: caveau de petite dimension, destiné à accueillir les urnes contenants les cendres des défunts crématisés.