Fernand Schwarz: «Le besoin de mythes, de symboles et de rites est inhérent à l’être humain»

Fernand Schwarz: «Le besoin de mythes, de symboles et de rites est inhérent à l’être humain»

Le philosophe et anthropologue argentin Fernand Schwarz, auteur du «Sacré camouflé», donnera deux conférences les 9 et 10 octobre, en Suisse romande
Son dernier ouvrage, publié en septembre 2014, questionne la place du symbolique face à la crise de la représentation que vit la société, actuellement. Rencontre.

Photo: Fernand Schwarz DR

Dans votre ouvrage «Le sacré camouflé ou la crise symbolique du monde actuel», vous soutenez que «c’est la «démythologisation» effectuée par les sciences sociales qui a conduit l’Occident à la crise de civilisation, et à la série de désenchantements». Le rationalisme mène-t-il au désenchantement?

C’est l’hypertrophie rationaliste qui mène au désenchantement. D’une façon très schématique, nous pouvons aborder la réalité dans une logique d’exclusion, noir ou blanc. Ce mécanisme a permis le mode binaire, le langage linéaire, la technologie que nous utilisons maintenant. Cette logique d’exclusion est utile, mais pas suffisante pour comprendre la réalité, car la réalité n’est pas noire ou blanche, homme ou femme. Nous sommes donc obligés d’utiliser une autre logique pour aborder la réalité vivante, qui ne soit pas statique, codée ou mécanique. C’est la logique du noir et blanc, de l’inclusion qui permet la symbolisation et l’utilisation de l’imagination parce qu’elle accepte la contradiction en elle-même. Dans la logique rationaliste pure, on ne peut pas accepter la contradiction parce qu’elle devient absurde. Quand cette logique est utilisée dans tous les domaines, la réalité se réduit et devient idéologie, ce qui produit le désenchantement du monde.

Quelles en sont les conséquences?

Le besoin de mythes, de symboles et de rites est inhérent à l’être humain. Si la dimension symbolique n’est pas développée dans notre imagination, notre psychisme devient plus étroit, on se mécanise. Notre capacité à voir les nuances diminue. L’être humain se vide de sa propre substance ouvrant ainsi la porte aux extrêmes, comme le terrorisme ou les sectes.

Vous affirmez que la société est en crise actuellement, mais ne l’a-t-elle pas toujours été?

Non, il y a toujours eu des problèmes, mais seulement quelques crises. On est en crise quand les réponses usuelles face à un problème ne fonctionnent plus. Par exemple, quand l’être humain a découvert l’Amérique et la rotondité de la Terre, ce changement a engendré une vraie crise de représentation. Le monde n’a plus été comme il avait été par le passé. L’Europe a eu besoin d’un siècle pour intégrer cette nouvelle donnée et modifier son système imaginaire de représentation du monde. De ce raisonnement sont nées la science et la renaissance qui ont modelé un monde autre, le monde que nous avons hérité et que nous appelons modernité. Une crise est une opportunité qui permet de faire le tri.

Et la crise que nous vivons actuellement, de quoi découle-t-elle?

La crise que nous vivons actuellement a commencé au début du XXe siècle avec la physique quantique et les nouvelles représentations de la réalité qu’elle a engendré. Par exemple, la lumière est-elle un corpuscule ou une onde? Elle est les deux. Mais si on ne fait pas de mesure, on ne le voit pas, ce qui pousse l’individu à rentrer dans un système de représentation inclusive où les choses peuvent être l’un et l’autre. C’est une crise. Et cette crise touche la représentation à tous les niveaux, y compris dans les modèles économiques et financiers. Nous vivons un moment charnière. Et je pense que nous avons les ressources nécessaires pour trouver de nouvelles alternatives, mais pour cela il faut qu’on change notre regard et notre façon d’agir.

Infos pratiques

Fernand Schwarz donnera deux conférences: le vendredi 9 octobre, à Crêt-Bérard, à 20h15 et le 10 octobre à Ferney Voltaire, à 12h, dans le cadre du festival Livres en lumière.

Son ouvrage «Le sacré camouflé ou la crise symbolique du monde actuel» a été publié aux éditions Cabédita, en septembre 2014.