Les Eglises d’Afrique protestent contre Obama qui a prévu d’aborder la question des droits des homosexuels

Les Eglises d’Afrique protestent contre Obama qui a prévu d’aborder la question des droits des homosexuels

Des militants anti-gay, parmi lesquels des religieux conservateurs, des Anciens et des politiciens ont annoncé vouloir s’opposer à toute tentative du président Obama de faire pression en faveur des droits des minorités sexuelles lors de son voyage au Kenya de cette fin de semaine.

Photo: Le 6 juillet, une marche contre l’homosexualité a eu lieu à Nairobi. ©RNS/Fredrick Nzwili

, Nairobi, Kenya, RNS/Protestinter

Lancer des œufs pourris, marcher nus, ou boycotter les discours de Barack Obama, voilà ce que menace de faire un groupe de conservateurs opposé à ce que la question des droits des minorités sexuelles soit abordée par le président des Etats-Unis lors de son voyage au Kenya.

Jeudi 23 juillet, Barack Obama s’est rendu au Kenya, le pays d’origine de son père. Selon le programme du voyage, il est prévu qu’il participe au Sommet Global Entrepreneurship à Nairobi puis qu’il se déplace jusqu’à l’Ethiopie voisine. Il sera le premier président américain à se rendre en Ethiopie. Plusieurs membres du Caucus noir du Congrès participent à cette visite.

Ce déplacement a lieu dans un climat où les discours haineux, les violences et les discriminations à l’égard des homosexuels ont encore augmenté, selon la Commission nationale kényane des droits des gays et des lesbiennes. Dans le quartier de Kabete, à Nairobi, un propriétaire a expulsé des locataires suspectés d’être un couple gay et leur a dit «d’aller attendre leur Obama», selon les médias locaux. «Récemment, nous avons assisté à toute sorte d’actes allant des insultes à de telles expulsions», déclare Denis Nzioka, militant qui a recensé les atteintes aux droits des gays et lesbiennes.

Symbole de la lutte pour les droits des homosexuels

Barack Obama –qui a défendu les droits des personnes LGBT– est un symbole d’espoir pour les personnes homosexuelles. Et les militants anti-gay craignent qu’il fasse pression pour l’égalité des droits des minorités sexuelles durant son voyage au Kenya.

Ce n’est pas la première fois que l’Afrique s’oppose aux appels d’Obama pour les droits LGBT. Alors qu’il visitait le Sénégal en 2013, Barack Obama s’est affronté avec son hôte, le président Macky Sall, après que le président américain a exhorté les gouvernements africains à modifier les lois pour accorder les mêmes droits aux gays et lesbiennes.

Les craintes des autorités religieuses kényanes se sont intensifiées en juin, après le verdict de la Cour Suprême des Etats-Unis autorisant les mariages entre personnes de même sexe. Cette décision a été largement désapprouvée en Afrique. «Nous savons que c’est un défenseur des droits des gays. Quand il vient dans notre pays, nous lui demandons de respecter la morale, la foi et la culture des Kényans», explique l’évêque Mark Kariuki, pasteur responsable de l’Eglise de la Délivrance et président de l’Alliance évangélique du Kenya.

Manifestations prévues

Ce groupe a organisé une manifestation contre les droits des gays le 6 juillet à Nairobi. Elle a attiré environ 100 personnes. D’autres manifestations anti-Obama sont prévues cette semaine, dont une pour laquelle un groupe estimé à 5000 prostitués –hommes et femmes– a été engagé pour marcher nu dans la rue afin de «montrer à Obama la différence entre hommes et femmes.» Le chef du Parti républicain pour la Liberté, Vincent Kidala, a déclaré aux médias kényans que ces prostitués avaient accepté de participer gratuitement, car ils perdraient des clients si l’homosexualité devenait légale.

«Obama ne devrait pas faire de cela (les droits des gays) sa priorité. Nous savons que c’est une visite économique et commerciale et il ferait mieux de s’y tenir!», estime Mark Kariuki. Mais pour le révérend Michael Kimindu, président du ministère auprès des minorités sexuelles Other Sheep (les autres brebis, en référence à la parabole du bon berger), «la tentative des Africains d’empêcher Obama de parler des droits LGBT est le signe d’une très grande intolérance.» Michael Kimindu poursuit: «Je pense qu’Obama devrait parler des droits des minorités. Il y a des homosexuels au Kenya, et un discours d’Obama ne changera rien à cela. La préoccupation du peuple devrait plutôt être comment mettre fin à la stigmatisation.»

Les autorités religieuses craignent que le président américain n’influence les jeunes pour qu’ils acceptent l’homosexualité comme une norme. «Il y a un risque! Les jeunes risquent de croire que c’est une façon de vivre. Certains risquent de vouloir rejoindre des groupes gay après cela», explique Mark Kariuki rappelant que de son point de vue les actes homosexuels sont contraire au plan de Dieu.

Alliance rare, le Conseil des Ainés de l’ethnie Kikuyu s’est également invité dans ce débat, en menaçant de jeter des œufs pourris contre le président Obama pour protester.

Au début de ce mois, lors de certains services dominicaux, on a assisté à de véritables campagnes anti-gay. Certains élus croyants se sont engagés à boycotter les discours de Barack Obama s’il parlait des droits des gays. Le 5 juillet, Rose Mitaru, membre du parlement et ecclésiastique ordonné par l’Eglise anglicane a prêché dans une paroisse d’Embu dans l’est du Kenya que l’égalité des droits des gays signifiait l’ouverture des «vannes du mal équivalent Sodome et Gomorrhe.»

L’Afrique largement opposée à l’homosexualité

Le sentiment anti-gay du Kenya n’est pas unique en Afrique. Récemment, plusieurs gouvernements du continent ont renforcé leur loi interdisant les actes homosexuels. En 2014, alors président du Nigéria, Goodluck Jonathan a signé une loi anti-gay draconienne. La même année, le président ougandais Yoweri Museveni a signé une législation similaire. Initialement surnommé «Kill the Gays Bill» (Loi «tuez les gays»), ce texte rend obligatoire pour les citoyens de signaler toute personne suspectée d’homosexualité à la police. Ce texte a été annulé quelques mois plus tard pour des raisons techniques, provoquant une vague de mécontentement des autorités religieuses du pays.

L’archevêque anglican de l’Ouganda, Stanley Ntagali, était un défenseur de cette loi. Le 7 juillet, il a qualifié la décision de la Cour suprême des Etats-Unis de dangereuse. Il a assuré aux Ougandais qu’il poursuivait son combat contre l’homosexualité. «Nous ferons tout ce que nous pourrons pour résister contre ce virus immoral qui risque de tenter d’infiltrer notre nation», a-t-il déclaré.

L’homosexualité est illégale dans 34 pays africains, selon le rapport 2015 de l’ILGA, association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels et intersexués. Quelques mois après l’annulation de la loi ougandaise, une loi similaire a émergé en Gambie et en octobre 2014, le Tchad a aussi demandé une loi interdisant l’homosexualité. Le projet de loi tchadien prévoit 15 à 20 ans de prison pour les personnes reconnues coupables de relation sexuelle avec une personne de même sexe.

Une invention occidentale

Pour beaucoup, en Afrique, l’homosexualité est une invention occidentale. Le Révérend libérien Tolbert Thomas-Jallah, qui est à la tête de l’Association des conseils et Eglises chrétiens en Afrique de l’Ouest, considère que la promotion des droits des gays est le revers de la médaille des aides financières à l’Afrique. «Nous ne devrions pas compromettre nos valeurs culturelles, bibliques, et morales à cause des aides. Les Eglises d’Afrique devraient refuser les dons de partenaires qui ont autorisé les mariages de personnes de même sexe.»

Mais il y a quelques exceptions à la résistance de l’Afrique aux droits des gays. Le 1er juillet. Le Mozambique a laissé tomber une clause datant de l’ère coloniale qui interdisait l’homosexualité. Une douzaine d’autres pays n’ont pas de loi anti-homosexualité, mais seule l’Afrique du Sud accorde le droit au mariage à ses citoyens gay.

Au Nigéria, l’acceptation des personnes LGBT accroit lentement, selon un récent sondage de l’agence NOI. Si 87% des adultes nigérians se déclarent favorables à l’interdiction du mariage entre personnes de mêmes sexes, cette proportion est en recule, comparée aux 96% de 2010 et 92% de 2013. Pour les homosexuels d’Afrique, il y a peut-être une lumière au bout du tunnel