L’école doctorale explore les liens entre rire et spiritualité

L’école doctorale explore les liens entre rire et spiritualité

«Dieu est humour: rire et spiritualité»: c’est le titre du colloque qui se déroulera les mercredi 1er et jeudi 2 avril à Neuchâtel. Prévu de longue date, son thème est devenu incontournable au fil de l’actualité. Rencontre avec Elise Cairus, qui est l’une des quatre derniers doctorants de la faculté de théologie de Neuchâtel.

Photo: CC(by-nc) A.Currell

L’idée du colloque qui va s’ouvrir mercredi prochain à 14h, salle Louis-Agassiz à la faculté de Neuchâtel, a germé à l’issue d’un précédent programme doctoral: «art et spiritualité», qui s’était déroulé en mai 2014. Mais quand les quatre derniers doctorants en théologie de cette faculté se sont proposé d’explorer les liens entre le rire et la spiritualité, il n’était pas prévu que le thème en soit ainsi rattrapé par l’actualité internationale. «Dès lors, que dire? Que taire? Dans tous les cas, on ne pouvait pas passer à côté de la question» explique Elise Cairus, assistante en théologie pratique. Car souligne-t-elle «l’humour n’est pas un consensus. Une tension demeure entre ce qui est reconnu comme acceptable et ce qui peut passer pour de la provocation. Ce qui fait rire certains en choque d’autres. Mettre ensemble rire et religion, c’est prendre un risque. Car la frontière entre l’humour et la moquerie est souvent ténue.»

La religion chrétienne elle-même n’a pas toujours eu une relation simple avec l’humour. Pourtant, fait remarquer la théologienne, «quand on fouille le texte biblique, on se rend compte qu’il est loin d’en être dénué, même s’il s’agit parfois de rire pour ne pas pleurer».

L’humour comme communication et langage de changement

«L’humour est en lien avec l’espérance. Dans mon travail de recherche, dans mon travail d’accompagnement, il s’agit surtout de cheminer avec les gens pour voir quelle est l’espérance qui les habite», continue Elise Cairus, qui prépare une thèse sur l’accompagnement spirituel à la naissance. De nombreuses questions qu’elle aborde ne portent pas à rire, puisque de grandes souffrances peuvent surgir aussi dans ce temps de vie. Et pourtant, peut-on lire dans la présentation de ces journées doctorales: «ce colloque tentera de couvrir les riches aspects de ce phénomène libérateur, thérapeutique et relaxant qu’est l’humour, et qui ouvre peut-être sur l’inattendu de Dieu».

Humour et humilité: une même racine étymologique

Les conférences, toutes suivies de discussions, seront données par des professeurs le mercredi, et par des doctorants le jeudi. Le programme est dense et véritablement interdisciplinaire; il fait intervenir différentes branches académiques, ce que promeut la Conférence universitaire de Suisse occidentale (CUSO), afin que les champs de recherche s’enrichissent mutuellement. Ainsi mercredi et jeudi prochain psychologie, philosophie, art, littérature et théologie vont entrer en dialogue pluriel.

Les actes du colloque seront publiés sous la direction de François-Xavier Amherdt, professeur de théologie pastorale, de pédagogie religieuse et d’homilétique à la faculté de théologie de Fribourg.

Ce colloque se déroule dans le cadre de la formation doctorale coordonnée par la CUSO. Organisé conjointement par les facultés de Neuchâtel et Fribourg il est accessible à toutes les personnes intéressées, sur inscription, hormis pour les deux conférences publiques.

L’accompagnement spirituel comme champ de recherche: quels enjeux?

Au cours de son travail de recherche, la théologienne Elise Cairus a choisi d’explorer les questions qui se posent autour de la naissance. «Je me suis particulièrement intéressée à ce que provoque existentiellement l’arrivée d’un enfant dans un couple, explique-t-elle. La naissance est un évènement qui ne va pas toujours de soi.. Il faut toujours faire le deuil de l’enfant idéal et “parfait” pour accueillir celui qui vient..»

Cette doctorante, qui avait tout d’abord envisagé le pastorat, explique pourquoi elle a choisi comme discipline la théologie pratique plutôt que l’éthique ou la théologie systématique: «l’important en matière d’accompagnement spirituel est de cheminer avec les gens ici et maintenant sans les juger, sans se positionner pour ou contre. Il s’agit d’être attentif à l’expérience de la personne, à sa recherche de sens et au lien, plus intime, plus spirituel, qu’elle entretient avec Dieu. Dans le cas du choix d’un avortement, par exemple, les éléments de doctrine ne vont pas aider les personnes. Il s’agit de sortir du champ de la morale chrétienne sans pour autant encourager des pratiques qui iraient à son encontre, et permettre à la personne d’envisager sa vie à long terme avec la décision qu’elle a à prendre. Le syndrome post-avortement existe, même s’il est encore mal connu.»

Cette recherche doctorale se nourrit d’entretiens individuels menés par Elise Cairus, qui pointe ainsi plusieurs situations où a manqué un accompagnement spirituel approprié. «Nombre de pasteurs et de prêtres ne sont en effet pas prêts, dit-elle, et encore moins formés à accompagner des jeunes gens dans ce qu’ils vivent autour de la procréation et de la naissance, particulièrement en cas de problème, comme l’épreuve de la stérilité ou encore la perte d’un enfant durant la grossesse.» Le but de son travail est de proposer quelques pistes d’accompagnement et de présenter une étude de ces questions à partir de la Bible et de la quête spirituelle des personnes qu’elle a rencontrées.