Ce n'est «Pâques» du chocolat!

Ce n'est «Pâques» du chocolat!

Pour Olivier Bauer, professeur de théologie pratique à l’Université de Montréal et directeur du Groupe de recherche sur l’alimentation et la spiritualité (GRAS), Pâques est indissociable d'un bon repas. Et ce n'est pas un hasard.

Dieu soit loué, le carême finit toujours par prendre fin et Pâques succède toujours à Vendredi-saint! Et le dimanche de Pâques, plus question de se priver. Ce jour-là, les chrétiens, qu'ils aient ou non jeûné, passent à table. Du chocolat, évidemment. Mais pas seulement! Car si «ce n’est Pâques du chocolat», c’est que la résurrection est aussi transmise autrement, dans d’autres nourritures comme des pains briochés en veux-tu en voilà (Kulich, Paska, Lämmele, Colomba, etc.), des œufs durs (rouges comme ceux que Marie aurait laissés au pied de la croix et que le sang de Jésus aurait teintés) ou des viandes (agneau, cabri, jambon), des betteraves rouges en Haïti.

Mais pourquoi diable, Pâques et la résurrection sont-ils (aussi mais pour certains surtout ou uniquement) une affaire de goût? Je crois, profondément presque viscéralement, que c'est d'abord pour en faire goûter la nécessité. Comme le rappelle le philosophe français Olivier Assouly (dans Les nourritures divines), manger est un besoin vital et quotidien. En inscrivant Pâques dans des pratiques alimentaires, le christianisme s'assure donc (pourvu que ça dure!) de rendre cette fête à la fois inévitable et nécessaire. Il est facile de ne pas croire à la résurrection, il est difficile d'échapper aux goûts de Pâques. C'est ensuite pour faire goûter l'immédiateté de la résurrection. Comme l'exprime l'écrivain suisse Georges Haldas (dans Mémoire et Résurrection), on «accède à l'éternité vivante» (ce sont ses mots) non pas après la mort, mais ici et maintenant. Et des aliments qui entrent, plaisent, nourrissent et ressortent paraissent le moyen idéal pour le signifier.

Mais que diable la résurrection a-t-elle à faire, précisément, avec ces goûts-là? Ce sont toutes des nourritures à forte valeur symbolique des nourritures qui reçoivent leur valeur de trois systèmes symboliques qui tous, astucieusement combinés donnent son sens à Pâques:

  • Une symbolique religieuse: consommer de nourritures que valorise le judéochristianisme, les œufs du Seder, le pain et le vin du Repas du Seigneur;
  • Une symbolique culturelle: consommer des nourritures qu'une culture valorise, les betteraves rouges en Haïti;
  • Une symbolique cosmique: consommer les nourritures de saison, agneau printanier nouveau-né, jambon enfin arrivé à maturité, pain gonflé par le levain, «pourriture noble», additif vivant qui fait revivre ce qui est mort.

Pâques n'est donc pas anecdotiquement une histoire de goût. Il l'est substantiellement, y compris pour le chocolat. Mais justement, comment choisir son chocolat? Je vous suggère de le prendre suffisamment amer pour ne pas oublier la cruauté de la crucifixion, mais suffisamment sucré pour vous donner le goût de la résurrection.

Joyeuses Pâques!

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