Comment «vendre Dieu» pour attirer les fidèles?

Comment «vendre Dieu» pour attirer les fidèles?

«Les religions en tant que marques» s’intéresse aux moyens que les différentes religions utilisent pour être attractives auprès des «consommateurs». Ce collectif, sous la direction du professeur de sociologie des religions, Jörg Stolz et du professeur de marketing, Jean-Claude Usunier dépeint l’évolution du paysage religieux au sein d’une société de consommation.

Photo (lv): les choristes d'une megachurch à Séoul, en Corée du sud

«Le marketing religieux a explosé avec le développement de la société de consommation. A partir des années 1960, il y a vraiment eu un changement sociétal, en Suisse et dans les autres pays industrialisés. Les gens ont eu beaucoup plus de choix à tous les niveaux», explique Jörg Stolz, doyen de la faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Lausanne (UNIL).

«Dès que les individus peuvent choisir leur style de vie, leur lieu d’habitation et leur partenaire, les institutions sur le marché sont en compétition, les églises y compris», ajoute le professeur en sociologie des religions. Au XVIIIe siècle, les Eglises étaient encore «des instruments de pouvoir qui gardaient le contrôle sur la population». Actuellement, «si les gens pensent qu’aller à la messe ne leur apporte rien, ils ne s’y rendent pas».

Le collectif Les religions en tant que marques, publié en début d’année, sous la direction de Jörg Stolz et du professeur de marketing, à l’UNIL, Jean-Claude Usunier rassemble les points de vue, d’une dizaine de sociologues et d’économistes, sur la façon dont les églises ont dû se mettre à «vendre Dieu pour être attractives». Cet ouvrage a été édité, à la suite de trois journées de conférence sur ce sujet, pour le centenaire de la faculté des hautes études commerciales de l’Unil, en octobre 2011.

Les megachurches attirent des milliers de membres

La commercialisation et la question de marques touchent autant les religions chrétiennes que les autres. Par exemple, les megachurches, ces églises évangéliques – initialement présentes aux Etats-Unis – qui attirent plus de 2000 fidèles lors des services, «répondent complètement à un procédé de marketing religieux», explique Jörg Stolz. En Suisse, le créateur de l’International christian fellowship (ICF), une megachurch créée à Zurich dans les années 1990, «explique qu’il réfléchit comme un entrepreneur pour répondre aux besoins des gens: à la musique qu’ils veulent entendre, en offrant des places de parking à côté de l’établissement et en créant des cultes par groupes d’âge».

Du côté des églises catholiques et réformées suisses et allemandes, elles «ont essayé d’utiliser les outils de marketing des «lifestyle milieus» afin de trouver les publics cibles pour leurs prestations», indique le collectif. Dans l’islam «l’expansion de l’industrie Halal» ou encore «faire du voile un objet de mode plutôt qu’une pratique stigmatisante» illustre aussi ce besoin de valoriser l’appartenance, «la marque». «Mais après tout, n’est-ce pas le propre des marques de rendre les produits uniques, mythiques et parfois même sacrés», questionne l’ouvrage.

L’évangélisation est une forme de marketing

«Néanmoins, en Europe, le marketing religieux est vu d’un mauvais œil, ce qui est paradoxal car l’évangélisation est, d’une certaine manière, une des premières formes de marketing», explique Jörg Stolz. De plus, à travers la publicité, les bienfaits de telle voiture, dentifrice ou appareil ménager sont, sans cesse, mis en valeur pour attirer les consommateurs. «On essaie tout le temps d’évangéliser les gens mais quand il s’agit de religieux, cela passe mal. Pourtant la religion et le marketing ont un lien important puisqu’ils vendent tous les deux quelque chose d’insaisissable», constate le sociologue des religions.

Publié uniquement en anglais, Les religions en tant que marques, dont le titre original est Religions as brands, new perspectives on the marketization of religion and spirituality, réunit différentes opinions sur la question du marketing religieux afin de poursuivre la recherche dans ce domaine.

Cet article a été publié dans :

Le quotidien Le Courrier dans son édition du 5 avril 2014.