Laurent Schlumberger élu à la tête de l'Eglise protestante unie de France

Laurent Schlumberger élu à la tête de l'Eglise protestante unie de France

Laurent Schlumberger, président de l'ex-Eglise réformée de France vient d'être élu à la tête de la nouvelle Eglise protestante unie, issue de la fusion des réformés et des luthériens. L'élection de Laurent Schlumberger est une des premières décisions prises par le nouveau synode national, réuni pendant le week-end de l'Ascension à Lyon. Entretien avec le nouveau président.

Par Julie Paik, Lyon

ProtestInfo: Vous avez été élu pour un premier mandat à la tête de l’Eglise protestante unie de France (EPUdF). Quelles sont vos priorités?

Laurent Schlumberger: En fait, ce n’est pas tout à fait exact. J’étais déjà président de l’Eglise réformée de France qui est juridiquement devenue l’Eglise unie il y a un an, mais c’est la première fois que je suis élu en tant que président de la nouvelle Eglise unie.

En ce qui concerne les priorités, je répondrai de deux manières. Le conseil national et son président ne sont jamais élus sur un programme. C’est délibéré, parce que le programme du conseil national, c’est l’Evangile. Et la manière dont nous voulons tous ensemble comprendre et traduire en paroles et en actes cet Evangile aujourd'hui n’est pas quelque chose qui se décide à l’avance.

C’est quelque chose qui se discerne chemin faisant, dans une réflexion commune avec les paroisses et les synodes. Je n’ai donc pas de priorités au sens où un responsable associatif, social ou politique a des priorités.

Ceci dit, nous avons déjà choisi ensemble de nous donner comme cap, entre autres, un travail sur le langage et le témoignage de la foi, car le protestantisme est une manière particulière d’habiter la foi chrétienne. Il faudra trouver comment témoigner de nos convictions, individuellement et collectivement. Ce sera notre fil conducteur lors des années qui viennent, dans la perspective de l’année 2017 qui marquera le 500ème anniversaire de la Réforme.

Aujourd'hui, les différences théologiques entre réformés et luthériens ne sont plus aussi marquées qu’elles ont pu l’être par le passé. Pourtant, certaines subsistent encore, comme dans l’organisation de l’Eglise (ndlr: les luthériens ont une structure épiscopale alors que les réformés fonctionnent d’une manière plus collégiale et synodale). Comment imaginez-vous l’avenir?

La situation actuelle est appelée à perdurer, parce que l’harmonisation des structures d’Eglise est déjà presque entièrement faite. Il est vrai que la manière de «sentir» les choses peut être un peu différente entre réformés et luthériens, mais l’importance des assemblées générales, des conseils presbytéraux, des synodes régionaux et national était déjà la même dans les deux Eglises.

Les présidents de conseil régional des régions réformées et les inspecteurs ecclésiastiques (ndlr: évêques) des régions luthériennes ont presque le même rôle. L’inspecteur ecclésiastique suscite parfois un peu plus de révérence de la part des paroissiens que le président du conseil régional, mais cette différence est vraiment de l’ordre de la sensibilité, de la modalité. Je pense qu’on évoluera probablement vers une reconnaissance, chez les réformés, du caractère épiscopal de certaines fonctions du président de conseil régional. Mais l’essentiel de l’harmonisation est déjà fait.

Imaginez-vous que d’autres Eglises protestantes puissent intégrer l’EPUdF?

La question des conditions d’un éventuel élargissement de l’EPUdF est une question importante à laquelle nous avons une réponse de principe, qui demande à être vérifiée et vécue. Nous avons réalisé cette union entre luthériens et réformés avec l’idée suivante: à partir du moment où on est d’accord sur l’essentiel, alors vive les différences! Et l’essentiel, en l’occurrence, c’est la manière de comprendre l’Evangile et de célébrer les sacrements. Toute Eglise qui a la même compréhension de l’unité, de l’Evangile et de la célébration des sacrements peut donc être appelée à entrer dans cette communion luthérienne et réformée.

Si, par exemple, des Eglises de type évangélique ou pentecôtiste demandaient à rejoindre l’EPUdF, quelle serait votre position?

La première chose à dire, c’est qu’au sein même de notre Eglise, il y a des réformés et des luthériens de sensibilité pentecôtiste, charismatique ou évangélique. La manière pentecôtiste ou charismatique de vivre sa foi a donc déjà sa place dans notre Eglise.

Le deuxième élément de réflexion que je mentionnerai, c’est qu’on parle souvent du pentecôtisme, mais c’est oublier qu’il y a des pentecôtismes très différents les uns des autres. Il existe des pentecôtismes avec lesquels nous pourrions entrer en dialogue, parce que nous n’avons aucune difficulté à nous comprendre et parce qu’ils sont déjà, de fait, partie intégrante des différentes composantes de notre Eglise.

Il en existe d’autres avec lesquels le dialogue est beaucoup plus compliqué, parce que, par exemple, ils font la promotion d’une théologie de la prospérité - l’Evangile apporterait la prospérité dans tous les domaines, y compris d’un point de vue matériel - ou parce qu’ils reconnaissent une autorité extrêmement forte aux responsables et aux pasteurs. Ce genre de position est tellement éloigné du protestantisme tel qu’il est vécu dans l’EPUdF que je ne pense pas qu’il puisse y avoir de rapprochement avec ces manières-là de vivre la foi.

L’intégration d’autres Eglises aurait-elle des conséquences sur la répartition des rôles entre l’EPUdF et la Fédération protestante de France?

La Fédération protestante n’est pas une Eglise. Elle est une plateforme d’action commune entre Eglises, œuvres, mouvements et associations. Tous ses membres, par exemple les Eglises (dont la nôtre), délèguent à la Fédération protestante des tâches dans celles des aumôniers de prison, des aumôniers de la télévision et de la radio et la représentation régulière auprès des pouvoirs publics. Ce sont donc deux structures qui n’ont pas du tout les mêmes objectifs.

Avez-vous un message à adresser aux réformés de Suisse, où l’idée d’une Eglise nationale unie peine à faire son chemin?

Je vais justement en Suisse dans un mois pour en parler! Je suis invité à la prochaine assemblée des délégués de la FEPS, dont le président Gottfried Locher est d’ailleurs présent à Lyon pour prendre part à ces journées de fête. Nous avons évoqué cette question ensemble, parce que c’est un souci qu’il a envie de prendre à bras-le corps; mais je ne sais pas si j’aurai beaucoup de choses à dire aux délégués tant le fait cantonal est étranger à la mentalité française.

Je pourrai leur donner - et c’est peut-être cela le plus utile - le témoignage de ce que nous avons réalisé, pour que, peut-être, cela suscite en eux l’envie de trouver leur propre chemin. Je partagerai ce que l’on vit, comme je l’ai déjà fait dans d’autres circonstances, et nous verrons bien de quelle manière notre expérience pourra trouver une résonnance auprès des délégués de la FEPS.

Le premier synode national de l’EPUdF touche à sa fin. Dans quelle atmosphère s’est-il déroulé ?

Ce qui a donné le ton de ce synode, c’est la joie. C’est étonnant pour un synode où, en général, on travaille beaucoup. Vendredi, par exemple, nous avons abordé des questions financières qui ne sont jamais très stimulantes, et pourtant, dans les séances de travail, la joie est présente.

J’ai été aussi très étonné par ce qui s’est vécu pendant la veillée de prière vendredi soir, précédant la journée inaugurale ouverte au public samedi. Elle a commencé à 21 heures et a duré jusqu’à l’aube. Il y avait encore des dizaines de personnes dans le temple à 6 heures du matin. Cela m’a « scotché ». C’est la première fois qu’une telle veillée de prière était organisée dans notre Eglise.

L’organigramme de l’EPUdF

L’Eglise protestante unie de France vit selon un mode de décision et de gouvernance laissant la place et la parole à tous les échelons entre le local et le national. Il est dit presbytérien synodal puisque les décisions relèvent à la fois de l’échelon presbytéral, c’est-à-dire l’échelon local où un conseil élu par tous les membres de chacune des 450 associations cultuelles administre et gère les aspects spirituels, administratifs et financiers de la vie des Eglise locales ou paroisses, et de l’échelon synodal où les représentants des associations cultuelles siègent et gouvernent à l’échelon régional et national.

L’échelon presbytéral

Chaque association cultuelle locale est administrée et gérée par un conseil presbytéral élu par l’assemblée générale pour 4 ans.

Le pasteur est membre de droit de ce conseil, mais il ne le préside pas nécessairement. Pasteurs et membres laïcs ont une voix équivalente en son sein.

Le conseil presbytéral nomme et évalue le pasteur régulièrement, en accord avec le conseil régional.

L’échelon synodal régional

Chaque association cultuelle locale nomme ses délégués au synode régional de sa circonscription - 2 régions luthériennes et 8 régions réformées.

Un délégué laïc est désigné pour un délégué ministre.

Le synode régional élit les membres de conseil régional tous les quatre ans. Les conseils régionaux réformés élisent leur président (pasteur), les conseils régionaux luthériens élisent un président laïc et un inspecteur ecclésiastique (pasteur) est élu directement par le synode.

L’échelon synodal national

Chaque synode régional élit ses délégués (laïcs et pasteurs) au synode national.

Le synode national élit les membres du conseil national (laïcs et pasteurs) tous les quatre ans. Le conseil national élit en son sein le président du conseil national pour quatre ans. (Source: dossier de presse EPUdF)