Après moi, le déluge !

Après moi, le déluge !

Les églises américaines pourraient avoir un réel impact si elles décidaient de jouer un rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le problème: les Eglises chrétiennes les plus importantes aux États-Unis appartiennent à l’aile politique conservatrice, celles qui précisément nient les changements touchant aux climats.

Salt Lake City

Dans un article publié le 29 septembre dernier sur le site du Nouvel Observateur, Benoît Rittaud, un mathématicien de haute vol paraît-il, cite le récit biblique du déluge (Genèse 7:18-21 très exactement) pour entamer une diatribe contre le 5e rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), qui vient d’être rendu public.

Ce rapport, selon notre mathématicien, serait fantaisiste et la référence directe au récit biblique du déluge lui sert ainsi d’appui pour qualifier les prédictions du GIEC de trompeuses! La critique est claire: prendre au sérieux les conclusions du GIEC revient à adopter une lecture littérale du récit de la Genèse en défendant la vérité historique du déluge. La vraie science a pour devoir, elle, de s’opposer aux superstitions et aux mythes véhiculés par la religion.

Que l’on adhère pleinement ou non à la position du GIEC, il est bon de se demander si notre foi exige que nous nous y arrêtions quelques instants. Avons-nous, en tant que chrétiens, une responsabilité particulière à l’égard de la planète? En quoi est-ce que les textes bibliques peuvent nous servir d’inspiration?

FEPS: favorables à des changements de politique énergétique

En Suisse, la FEPS a pris des positions claires concernant le réchauffement planétaire et la responsabilité éthique des églises à ce sujet, encourageant entre autres des changements dans la politique énergétique du pays. La Conférence des évêques suisses s’est pleinement alignée aux revendications de la FEPS. Qu’en est-il du côté des États-Unis? Et en quoi est-ce que cela importe?

Les États-Unis peuvent se targuer d’avoir le deuxième taux mondial d’émission de gaz CO2 (la Chine ayant le taux le plus élevé). A cela s’ajoute une société de consommation aux pratiques extrêmes qui encourage indirectement, dans d’autres pays, une politique de production souvent incontrôlée.

L’administration Obama s’est engagée à réduire les émissions de CO2 de manière drastique dans les années à venir. Il n’empêche que la situation aux États-Unis demande un changement profond des mentalités.

En ce sens, les églises américaines pourraient avoir un réel impact si elles décidaient de jouer un rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le problème: les Eglises chrétiennes les plus importantes aux États-Unis appartiennent à l’aile politique conservatrice, celle qui précisément nie les changements relatifs au réchauffement climatique.

Pour les grandes Eglises conservatrices américaines, la menace du déluge, si tant est qu’elle existe, est le fruit direct de la perte des valeurs morales chrétiennes dans la société.

Pour eux, même si le déluge est bien loin d’être un mythe, le récit biblique n’a rien à voir avec les appels alarmistes du GIEC. La menace du déluge, si tant est qu’elle existe, est le fruit direct de la perte des valeurs morales chrétiennes dans la société américaine.

L’organisation, Interfaith Power & Light (IPL), fondée en 1998, se consacre à encourager les membres de diverses traditions religieuses à une prise en charge responsable de la planète au nom de leur foi. Sous leur impulsion, de nombreuses communautés ont mis en place des programmes éducatifs pour la sauvegarde de l’environnement et de meilleures pratiques énergétiques.

IPL est convaincu que le réseau des communautés religieuses peut et doit aider à modifier les mentalités en ce qui concerne notre rapport à l’environnement. Les textes bibliques cités en premier reviennent sur la responsabilité humaine à l’égard de la création (Genèse 1:26-28 ou 2:15). La tâche n’est cependant pas facile, en particulier dans les milieux chrétiens fondamentalistes où la guerre contre la culture contemporaine est jugée plus pressante.

Ceux et celles qui parlent de l’environnement font l’expérience de fortes critiques au sein de leur dénomination. Jonathan Merritt, auteur d’un excellent plaidoyer intitulé Green Like God, a reçu des menaces de ses coreligionnaires baptistes.

La fameuse expression, «Après moi, le déluge!», trouve aujourd’hui un sens nouveau. La vitesse exacte de la montée des eaux et de ses conséquences dans les 40 années à venir est débattue parmi les scientifiques. Notre interprétation du texte biblique importe sans doute plus que jamais. A nous de le prendre en charge sérieusement afin d’éviter qu’il ne soit pris en otage par des scientifiques qui se moquent des prédictions sur le réchauffement de la planète.

Vrai déluge ou pas, mythe, symbole ou réalité imminente, la voix des églises sur les changements climatiques doit se faire entendre. En février 2014 (du vendredi 14 au dimanche 16 en fonction des divers services religieux), IPL organise le jour national du prêche sur le changement climatique (National Preach-In on Climate Change).

Alors que se termine en Suisse le mois de la création auquel de nombreuses paroisses se sont associées, la prochaine étape pour les Eglises suisses pourrait être un acte de solidarité avec les prédicateurs américains en février 2014. L'idée d'un «preach-in» fait écho à la tradition du «sit-in», un geste de résistence non-violente hautement politique qui demande la participation du plus grand nombre.

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