Le mensuel «Réformés» se met au vert

Le mensuel «Réformés» se met au vert

En mai, le journal «Réformés», mensuel des Églises protestantes romandes, a publié son premier hors-série. En 200 pages, «Dieu, la nature et nous» nous plonge dans l’écologie à la sauce protestante entre pensées et actions. Interview des responsables éditoriaux.

Les Églises issues de la Réforme n’ont pas attendu le réchauffement climatique pour s’attaquer à l’écothéologie – l’interprétation écologique des Écritures. La rédaction du mensuel des Églises protestantes romandes, Réformés, y consacre son tout premier hors-série, un mook (objet hybride entre le livre et le magazine) publié en mai. «Dieu, la nature et nous» fait état de la crise climatique, met en lumière l’écothéologie et donne la parole aux ouailles qui défrichent le terrain à la main. Audacieux, l’ouvrage de 200 pages relève le défi: celui d’éveiller la fibre verte d’un lecteur qui pourrait presque se prétendre incollable sur la question à la fin de sa lecture. Rencontre avec le rédacteur en chef Joël Burri et la journaliste et cheffe de projet Camille Andres.

Pourquoi consacrer votre premier hors-série aux spiritualités écologiques protestantes?

Joël Burri: L’imminence de la crise écologique est une observation commune aux Églises et à la société. Et le changement de posture s’opère. Le sujet est à l’ordre du jour des Églises, qui ont pris conscience des enjeux auxquels l’humanité est confrontée. La question turlupine donc aussi les chrétiens. À travers ce hors-série, nous voulons apporter un outil pour les accompagner dans la formation de leur propre pensée à cet égard.

Camille Andres: La société tout entière traverse une crise civilisationnelle, qui s’exprime par un renversement de notre rapport à la nature, équivalente, pour certains penseurs, au mouvement de la Réforme, il y a 500 ans. Nous constatons, depuis la parution de l’encyclique Laudato si’ du pape François en 2015, une effervescence dans le domaine chrétien sur ces questions. Le texte n’a pas eu le même écho du côté protestant. Pourtant, la réflexion théologique et philosophique sur ce sujet s’y est ouverte il y a plusieurs décennies, dont les effets sont aujourd’hui perceptibles. 

S’agit-il d’un acte militant?

C. A.: Le projet n’est pas militant, mais engagé. Nous ne prenons pas position, nous ne privilégions pas une opinion, mais les cumulons, afin de présenter au lecteur un panorama complet. 

J.B.: Nous ne faisons pas du militantisme face à un changement de société qui se joue devant nos yeux et dont nous ne pouvons que prendre acte. La démarche est journalistique: nous observons, accompagnons et expliquons un changement de société.

En quoi ce projet titanesque s’inscrit-il dans la mission de «Réformés»?

J.B.: Il est en continuité avec le travail que nous faisons au sein du mensuel: expliquer la vie des institutions Églises et de leurs pensées au plus grand nombre et donner une visibilité au monde réformé. Nous sommes dans une société où les Églises réformées se sont tellement assimilées qu’elles finissent par disparaître. L’idée était notamment de rétablir l’existence de la pensée protestante sur ce sujet. Car si le Conseil œcuménique des Églises s’est saisi de la question théologique de l’écologie en 1961, de nombreux théologiens l’avaient devancé. En ce sens, nous remplissons notre mandat.

Après avoir joué aux archéologues de la spiritualité verte et de sa mise en action, quel constat tirez-vous?

C.A.: Les actions écologiques démarrent aujourd’hui au sein des Églises, au même titre que dans la société. Pourtant, le souci de la préservation de la Création ne date pas d’hier. Il a germé dans les esprits des théologiens comme des philosophes, constituant un fort bagage intellectuel. Il s’est également exprimé à travers des actions pionnières comme la création de l’association œcuménique Oecu Église et environnement en 1986, devenue un interlocuteur reconnu dans le domaine et une référence éthique et pratique pour les Églises. Il y a donc, au sein même du christianisme, de sacrées ressources pour agir. 

En bref, les actions pêchent face à l’ébullition de la pensée. Avec un tel constat, votre mensuel payé par les Églises, ne se tire-t-il pas une balle dans le pied?

J.B.: En tant que journalistes, notre rôle n’est pas de juger des actions des Églises. Par ailleurs, se limiter à la question «En font-elles assez?» devient un oreiller de paresse. Avec ce hors-série, notre démarche ne se veut pas culpabilisante. L’idée est, notamment avec la troisième partie, de montrer les solutions existantes. Bien sûr qu’il y a des résistances, la question est clivante, nous ne les passons pas sous silence, mais elles ne doivent pas empêcher d’avancer.

Justement, avec ce mook, qui cherchez-vous à faire avancer?

J. B.: Le journal Réformés a notamment la volonté d’être un acteur de réflexion dans les milieux d’Église, un support de débat, un titre pédagogique, le hors-série y répond. Si le mensuel cherche à garder un contact avec les personnes de culture protestante, le hors-série vise un public de croyants attachés à leur vie communautaire. Notons au passage qu’une Église réformée romande a déjà commandé 200 exemplaires pour le diffuser à travers ses canaux.

L’expérience du hors-série va-t-elle se réitérer?

J.B.: Oui, nous souhaitons la répéter. Les idées et l’envie sont là et nous avons un budget dédié aux «opérations spéciales». Ce qui n’empêche pas que sans l’engagement de toute la rédaction – et je sais que tout le monde n’a pas compté ses heures – un tel projet n’est pas possible.