L’épouse de Gottfried Locher dénonce une «inquisition»

L’épouse de Gottfried Locher dénonce une «inquisition»

Dans une lettre au vitriol, l’épouse de l’ex-président de l’Église évangélique réformée de Suisse (EERS) dénonce l’absence de recours à la justice dans l’affaire d’abus sexuel qui a secoué l’institution et vu Gottfried Locher démissionner.

«Un procès ecclésiastique», voici comment Barbara Locher, l’épouse de l’ancien président de l’Église évangélique réformée de Suisse (EERS), qualifie la gestion de l’affaire qui a vu son mari Gottfried Locher démissionner de ses fonctions. Dans une lettre adressée au délégués du Synode (organe délibérant) de l’EERS et brièvement évoquée le 5 septembre dernier, Barbara Locher revient avec une certaine amertume sur ce que la presse alémanique et romande se permet désormais de nommer «l’affaire Locher».

Quel est le problème, pour Barbara Locher? Ce qui semble la consterner avant tout, c’est qu’un jugement ait été rendu sans l’intermédiaire de la justice. En effet, lorsqu’en novembre 2019, une ancienne collaboratrice du secrétariat de l’EERS prend contact avec Esther Gaillard, vice-présidente du Conseil (exécutif), l’institution ecclésiale prend les devants pour déterminer la véracité des faits. Une plainte est déposée par l’avocat de la collaboratrice auprès de l’Exécutif en avril 2020.

Justice sans justice

À l’époque, l’EERS décide de mandater un cabinet d’avocats afin qu’une enquête externe soit menée, pendant laquelle le futur ex-président est suspendu. Selon l’enquête, Gottfried Locher aurait bien abusé sexuellement, psychologiquement et spirituellement de la plaignante. Ces conclusions sont celles d’un rapport qui demandera encore l’examen d’une commission d’enquête administrative à l’interne, nommée par le Synode (législatif).

C’est là que le bât blesse, pour Mme Locher. «En contournant l’état de droit, vous avez installé votre propre système de justice fictif sans accusation criminelle, sans procédure pénale, sans recours légal», écrit-elle dans sa missive. Pour rappel, en août dernier, la NZZ faisait mention dans ses colonnes de ce que certains «proches de Gottfried Locher» qualifiaient de «procès-spectacle ecclésiastique».

Inquisition?

Selon Barbara Locher, les avocats engagés par l’EERS font de l’institution une «partie prenante» dans l’affaire incriminant son mari. Pointant un manque de neutralité, elle dénonce notamment la «violation de limites» reprochée à Gottfried Locher, en soulignant qu’on ne s’est pas soucié «de la violation des limites pour [sa] famille.»

Y aurait-il aussi, en sous-texte de cette lettre, la dénonciation d’une machination contre Gottfried Locher? C’est ce que laisse penser l’emploi du mot «inquisition» dans ce courrier au vitriol. «Gottfried Locher veut faire taire "leur Église". Son charisme dans la société, la politique et l’œcuménisme les a dépassés. Ils ne le lui ont pas pardonné.»

La lettre de Barbara Locher a été évoquée par la présidente du Synode, lors de la session des 5 et 6 septembre derniers à Berne. Sans nommer ni l’auteure ni l’objet de la lettre, Evelyn Borer a précisé qu’elle ne serait pas prise en compte lors des débats.