Rihanna défie les extrémistes religieux

Rihanna défie les extrémistes religieux

S’appuyant sur des rumeurs circulant sur internet, un groupe de 30 organisations conservatrices musulmanes ont appelé la chanteuse à renoncer à se rendre au Sénégal.

Photo: Rihanna en 2012 CC(by) Alexis

(RNS/Protestinter) — Vendredi 2 février, Rihanna est arrivée à Dakar, capitale du plus musulman des pays d’Afrique de l’Ouest. Des organisations religieuses lui avaient pourtant fait savoir qu’elle n’était pas la bienvenue, car elle est accusée d’être franc-maçonne et de soutenir les personnes homosexuelles. Deux graves transgressions pour ces groupes croyants.

Robyn Rihanna Fenty, de son nom de naissance, est originaire de La Barbade. Son voyage au Sénégal avait pour but de lui permettre de participer à une conférence sur le financement de l’éducation à laquelle participait également le président français Emmanuel Macron.

Le collectif extrémiste qui se fait appeler «non à la franc-maçonnerie et à l’homosexualité» a demandé au gouvernement d’annuler la visite de la chanteuse. Il a promis d’importantes manifestations dans le cas contraire. En réponse, le gouvernement sénégalais a promis qu’il assurerait la sécurité des participants à la conférence.

«Nous manifesterons dès sa sortie de l’avion. Et s’il le faut, nous irons devant l’Assemblée, le ministère de l’Intérieur ou la présidence», a déclaré Sheikh Oumar Diagne, porte-parole du collectif religieux cité par l’hebdomadaire «Jeune Afrique». «Rihanna ne s’en cache pas: elle fait partie des Illuminati, qui est une branche de la franc-maçonnerie», insiste le porte-parole toujours dans les colonnes du magazine sénégalais.

Sur internet et ailleurs, les théories conspirationnistes à propos des francs-maçons, qui comptent parmi les plus anciennes organisations fraternelles sont légion. Il s’agissait à l’origine d’une guilde de tailleurs de pierres, au XIVe siècle. George Washington, Winston Churchill et John Wayne en ont fait partie. Le terme d’illuminati fait référence à des groupes secrets, réels ou imaginaires, liés à une organisation fondée en Europe au XVIIe siècle et qui visait à promouvoir les idéaux des Lumières et contrer la corruption, la superstition et les influences de la religion dans la vie civile.

Selon le collectif sénégalais opposé à la venue de Rihanna, ce n’est pas une coïncidence si son voyage à Dakar a lieu au moment même où une réunion de francs-maçons africains est prévue dans la capitale. Ils l’accusent de se servir du rassemblement sur le financement de l’éducation comme d’un prétexte. Rihanna est ambassadrice du Partenariat mondial pour l’éducation, une organisation non gouvernementale dont l’objectif est de promouvoir l’éducation dans 65 pays. Elle collabore avec cette organisation au travers de la Fondation Clara Lionel qu’elle a fondée en 2012 en l’honneur de ses grands-parents Clara et Lionel Braithwaite.

Avant que Rihanna ne participe à la conférence sur l’éducation, les autorités sénégalaises ont fait annuler l’événement franc-maçon. La presse locale ne donne pas les raisons de cette interdiction, mais le doute est grand que ce soit en raison des pressions exercées par les groupes musulmans.

Environ 90% de la population sénégalaise est musulmane. Ironiquement, l’opposition à Rihanna s’est manifestée dans un pays qui a la réputation d’être relativement tolérant. Selon l’agence AP, lors de la conférence, Emmanuel Macron a qualifié l’éducation comme «seule réponse» à l’extrémisme et au fondamentalisme qui menacent l’est de l’Afrique. Il a promis 200 millions d’euros (232 millions de francs) pour financer l’éducation. Un montant largement supérieur à ce qu’avait promis la France jusqu’alors, mais inférieur aux 250 millions d’euros que Rihanna le poussait à verser.